Le bonheur est dans le poche

Publié le 5 juin 2007 Lecture : 3 minutes.

Plus de 130 millions d’exemplaires vendus en 2005 pour un chiffre d’affaires avoisinant 420 millions d’euros. D’année en année, le poche accroît son poids dans le marché du livre en France. Il représente aujourd’hui quelque 25 % de la production en titres et plus de 30 % en exemplaires.
Si près d’un livre sur trois s’achète désormais en poche, la proportion est écrasante pour la littérature, avec trois exemplaires vendus sur quatre (et plus de la moitié du chiffre d’affaires du secteur).
Il est loin le temps où cette branche de l’édition se réduisait à la collection lancée en 1953 par Hachette et dont le nom, Le Livre de poche, semblait exclure par avance toute concurrence. Celle-ci pourtant ne tarda pas à se manifester avec la création chez Flammarion, en 1958, de J’ai lu (où l’on retrouvait, entre autres, Colette et François Mauriac), puis aux Presses de la Cité (ancêtre de Vivendi et de l’actuel Editis), en 1962, de Pocket et de 10/18.
Un tournant décisif eut lieu en 1972 lorsque Gallimard, se séparant de Hachette avec lequel il était associé dans Le Livre de poche, lança Folio. Grâce à Proust, Céline, Gide, Camus et à tout le gratin de la production littéraire contemporaine, Folio trouva du jour au lendemain une des toutes premières places dans ce segment de marché du livre.
Depuis, la plupart des éditeurs d’une certaine envergure ont leur collection de poche. Encore ce terme est-il souvent abusivement utilisé. En principe, le « poche » désigne la réédition en petit format (environ 10 x 18 cm) et à fort tirage d’un ouvrage paru en grand format depuis au moins un an. Or certaines collections comme Découvertes de Gallimard ou Que sais-je ? des Presses universitaires de France ne publient que des textes inédits. C’est souvent le cas également dans le secteur du policier (Fleuve noir) ou de la jeunesse (Pocket jeunesse).
Parallèlement, pour réhabiliter leur fonds et donner une seconde chance à des titres dont la singularité ne justifie pas des tirages massifs, les éditeurs ont inventé le « semi-poche ». La formule permet de proposer des produits de belle présentation (format intermédiaire, papier de qualité) à des prix relativement bas. Gallimard et Grasset ont lancé le mouvement il y a une trentaine d’années avec « L’imaginaire » et « Cahiers rouges ». Ils ont été suivis par Actes Sud (Babel), Phébus (Libretto), les PUF (Quadrige), mais aussi la Découverte, Odile Jacob, Minuit, Rivages, Payot, Picquier
En même temps que le prix moyen du livre de poche augmentait, les éditeurs, jamais à court d’idées, lançaient des formules à très bas prix. Si l’on a immédiatement en tête Mille et Une N uits et Librio, spécialisés au départ dans la réédition de classiques, c’est sur le créneau du livre pratique que la production est la plus florissante.
Il reste que c’est avec la littérature dite populaire que le poche donne toute la mesure de ses potentialités. Les textes de certains auteurs comme Bernard Werber, Marc Levy ou Christian Jacq se vendent ainsi par centaines de milliers d’exemplaires, pour beaucoup dans les hypermarchés et les kiosques de gare. Ces super-best-sellers profitent essentiellement aux grands groupes. Les dix plus gros éditeurs contrôlent en effet près de 80 % du marché, Hachette-Lagardère (Le Livre de poche, Harlequin) et Editis (Pocket, 10/18) se taillant la part du lion.
Quoi qu’il en soit, le poche a de beaux jours devant lui. Les jeunes n’achètent que ce type de livres : les classiques prescrits par leurs professeurs, mais également les policiers, les romans à l’eau de rose (Harlequin) et, de plus en plus, les mangas. Dans ces domaines comme dans bien d’autres, beaucoup de titres sont inédits. Un nombre croissant de libraires, d’ailleurs, sont passés à l’« interclassement », c’est-à-dire qu’ils regroupent dans leurs rayons poches et grands formats classé par auteurs. Ainsi, si le poche avait au départ pour vocation d’assurer au livre une deuxième vie, il mène désormais souvent la sienne propre.

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