Mitterrand, mon père

La fille « cachée » de l’ancien président français donne sa part de vérité sur son enfance. Bouleversant.

Publié le 4 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Voici un livre bouleversant, humain, terriblement sincère. Voici aussi le plus beau chant d’amour qu’il nous ait été donné de lire depuis très longtemps. Amour filial, bien sûr, mais en fait les choses sont plus compliquées, car il se double d’un amour maternel en éclosion. Au moment où le récit commence, la narratrice est enceinte. C’est même à cause de cela qu’elle entreprend de donner enfin sa part de vérité, sans fard, tout entière. Mazarine est, on le sait, la fille longtemps « cachée » de François Mitterrand. Cachée ? Mais aux yeux de qui ? Ce qui frappe le plus à mesure qu’on avance dans la lecture, c’est à quel point son existence a été, d’une certaine façon, plutôt « normale » – sans jeu de mots. Il y a un papa (adoré), il y a une maman, une vie commune, divers lieux où l’on vit ensemble tous les trois, où on se retrouve, se chamaille, s’amuse, bref où l’on est comme tout le monde. « Papa décide même de rencontrer les parents de mes amies pour me montrer qu’il est content que j’aie des amies. »
Enfant illégitime ? (Quel vilain mot !) Oui. Clandestine ? Certainement pas. Bien sûr, papa est aussi le président de la République. Mais pour la petite fille, qui a 7 ans au moment où son père accède à la magistrature suprême, il s’agit d’un autre. Sage schizophrénie. « Des enfants de mon âge le traitent de con, de salaud. Ils ne savent pas que c’est de mon père qu’ils parlent ». Quant à elle, elle connaît et aime cet homme, qui, quand il est avec elles, sa femme et sa fille, « jamais ne sort ni ne reçoit », qui lit, allongé sur un sofa, quatre ou cinq livres à la fois, qui lui transmet l’amour des chiens fidèles, des arbres, des terroirs. Elle l’embrasse sur le bout du nez, avant d’aller se coucher. Quand vient le moment de rencontrer le premier fiancé de sa fille, c’est un restaurant de la gare de Lyon, et non l’Élysée, qu’il choisit pour ce moment solennel. Le père, François M., semble parfaitement s’entendre avec Ali B., fils d’une grande famille de Meknès. La mère est plus circonspecte, qui fait passer à Ali une sorte d’examen de culture générale…
Le récit se partage ainsi entre réminiscences – intitulées « inventaires » et numérotées – et la vie au présent. Mazarine et son compagnon Mohamed, fils d’Asilah au Maroc, attendent un enfant. C’est pour cet enfant, qui n’est pas encore né – Mohamed s’amuse à l’appeler Abdelkader Mitterrand… -, que le livre s’écrit. Pour qu’il n’ait pas à découvrir, plus tard, dans les yeux des autres et par eux, l’histoire de sa mère « illégitime » et de son grand-père, entré dans les livres d’Histoire. Pour qu’il sache que tout cela fut, avant tout, une merveilleuse histoire d’amour.
Et puis, c’est le drame. On n’en dira pas plus. Tout cela est si intime, si personnel, qu’il vaut mieux que ça reste entre l’auteur et le lecteur. Jamais Mazarine ne s’était à ce point découverte. Mais pour le lecteur, une fois passée l’émotion, il y a autre chose. L’affinement d’un style, plus dépouillé, plus tendu que dans les premières oeuvres. L’ironie qui affleure… Le mûrissement de la réflexion, qui va maintenant à l’essentiel sans s’encombrer d’effets de mode. Un certain détachement, au moment même où elle ouvre son coeur sans retenue. Paradoxalement, c’est dans son premier ouvrage de non-fiction que Mazarine s’affirme définitivement comme un écrivain. Un écrivain de talent.

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