Le duel
Qui de François Bozizé, président sortant, ou de Martin Ziguélé, ex-Premier ministre, sera élu à la magistrature suprême ? Réponse dans un mois à l’issue d’un second tour prévu pour le 1er mai.
Publié le 4 avril 2005 Lecture : 3 minutes.
Contraint et forcé par le verdict des urnes, mais aussi beau joueur et suffisamment prudent pour ne pas tenir compte des rodomontades d’une partie de son entourage qui jusqu’au bout le voyait vainqueur par « K.-O. au premier tour », François Bozizé s’apprête donc à remettre le couvert. Sur un continent où les chefs ne détestent rien tant que d’être ainsi placés en équation, le fait mérite d’être salué : c’est à l’issue d’un second tour – prévu pour le 1er mai, le temps de commander et d’imprimer de nouveaux bulletins – que sera connu le nom du prochain président centrafricain.
Proclamés le 31 mars par une commission électorale mixte indépendante qui n’aura pas usurpé son appellation, les résultats sont loin d’être défavorables au chef de l’État sortant – d’où, sans doute, sa sérénité affichée. Flirtant avec les 43 % des voix, soit près de vingt points de plus que son concurrent Martin Ziguélé, Bozizé bénéficiera sans doute du report des suffrages émanant de plusieurs petits candidats indépendants en mal d’existence, soit 5 % à 6 % de l’électorat. Le reste – 1 % à 2 % supplémentaires devraient suffire pour faire la différence – provenant du « stock » des électeurs de Charles Massi et d’André Kolingba, hostiles à tout ce qui rappelle de près ou de loin le régime de Patassé, dont est issu Ziguélé. Ce scénario, qui amènerait le candidat Bozizé à franchir sans encombre la barre des 50 %, est considéré comme l’hypothèse basse par nombre d’observateurs. Autant dire qu’en théorie la victoire au second round paraît acquise au général de Bossangoa.
En théorie, certes. Car même si l’ampleur du retard à combler paraît difficilement surmontable, Ziguélé est loin d’avoir renoncé. L’ancien Premier ministre va mettre son mois d’avril à profit pour consolider ses alliances, tenter de mettre en place un front « tout sauf Bozizé » et renflouer ses caisses de campagne désespérément vides. Lui aussi a fait ses calculs : sur le papier, en additionnant la totalité des suffrages recueillis par les candidats se réclamant de l’« Union des forces vives de la nation » et à condition que le taux de participation élevé du premier tour (70 %) se maintienne, il peut espérer l’emporter. Mais Ziguélé n’ignore pas que si les voix d’un Jean-Paul Ngoupandé, d’un Abel Goumba ou d’un Jean-Jacques Demafouth (10 % à eux trois) lui sont pratiquement acquises, le report de celles de Charles Massi et surtout d’André Kolingba est loin d’être assuré. Essentiellement issus du vote de la communauté yakoma, les quelque 16,5 % obtenus par l’ancien président sont un peu la clé du prochain scrutin. Certes, malgré les efforts de Bozizé, qui a rendu visite à deux reprises au général Kolingba dans le but évident de l’amadouer, le parti de ce dernier continue d’apporter son soutien à Ziguélé. Mais les consignes de vote, données avec une fermeté variable, seront-elles appliquées par un électorat toujours tenté de ne voir en Ziguélé qu’un simple produit de l’ennemi de vingt ans : Ange-Félix Patassé ? Conscient du problème, Ziguélé a bien pris soin, à Bangui, de se démarquer de l’exilé de Lomé, qui, d’ailleurs, ne le soutient pas. Une position qu’il ne peut cependant tenir partout, et surtout pas dans l’Ouham et l’Ouham Pende (Nord), gros réservoirs de voix, où Patassé demeure une figure mythique. Grand écart donc et gymnastique électorale délicate en vue, sur laquelle joue évidemment le camp Bozizé, lui qui ne cesse depuis le premier jour d’attaquer l’Union des forces vives sur le thème des « alliances contre nature ». À cet égard, un simple taux significatif d’abstention de l’électorat Kolingba ferait d’ailleurs ses affaires. C’est dire si Martin Ziguélé, qui aura au moins gagné dans ce duel annoncé une notoriété nationale et régionale qu’il ne possédait pas auparavant, va devoir « ramer ». Il est vrai qu’il semble avoir pris goût à l’exercice…
