Jean-Michel Rodrigo

Publié le 4 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

Avec sa tignasse en bataille, sa barbe de deux jours et sa dégaine de baroudeur, on comprend très vite que Jean-Michel Rodrigo n’est pas de ceux qui filment en chambre ou dans les salons parisiens. Des bidonvilles de Lima (Pérou) jusqu’aux méandres de l’Amazone, du sommet des Andes jusqu’au Nicaragua, ce journaliste indépendant a baladé ses Nikon, son stylo, et depuis une dizaine d’années sa caméra, un peu partout en Amérique latine. Mais aussi en Afrique, où il s’est rendu pour la première fois en 1984 afin de suivre le retour au pays d’un ouvrier mauritanien après une vie de labeur chez Renault.
Avec, à chaque fois, la même fascination pour ce rapport fort et douloureux, mais toujours beau, qui unit des hommes à leur terre. C’est le cas dans Cocafé (France 3, 1995) qui raconte la lutte des planteurs boliviens de coca pour sauver leurs cultures traditionnelles. C’est aussi le cas dans La Vallée sacrée de l’Inca (France 3, 2004), où l’on assiste à la résistance des paysans péruviens qui ont bien du mal à admettre qu’on puisse vouloir privatiser le dieu Pachamama, la terre-mère en langue quechua. Et c’est encore le cas, évidemment, dans son dernier documentaire, La Guerre des cotons, qu’il a tourné en 2004 en se rendant au Mali, au Sénégal, aux États-Unis et en Chine.
Un travail pour lequel Jean-Michel Rodrigo n’a pas hésité à lire les 900 pages, ou presque, de la thèse d’État qu’a consacrée au coton l’économiste du Cirad Michel Fock. « C’était passionnant », avoue-t-il. Avec, à la clé, une maîtrise du dossier qui lui a permis de forcer les portes de ce milieu très fermé qu’est le monde du coton. Surtout aux États-Unis. Où les organismes officiels étaient pour le moins réservés à l’idée de parler d’un sujet aussi polémique à un journaliste français dont la dégaine ressemblait un peu trop à celle d’un altermondialiste en colère.
En Chine non plus, ça n’a pas été facile. « Encadrés, suivis, contrôlés… À un moment, j’ai compté, il y avait seize personnes pour nous aider. L’un nous pressait, pendant que d’autres passaient devant la caméra pour éviter certains plans. » En Afrique, en revanche, tout a été simple. Rien à dire, donc ? « Si, bien sûr. Sur place, nous avons été très impressionnés par le degré d’organisation du monde paysan, par son engagement et sa rigueur dans le travail. » Cette qualité permettra-t-elle à l’Afrique de tenir tête au puissant lobby cotonnier américain ? Impossible à dire. Mais une chose est sûre : un film comme celui-là peut contribuer à faire prendre conscience, en Europe notamment, de l’urgence du problème. C’est probablement pour cette raison que la Sodefitex, l’entreprise cotonnière sénégalaise, a décidé de le traduire en wolof et prévoit d’en assurer la projection dans les villages. Et que Gilles Peltier, qui dirige l’entreprise française de commercialisation de la fibre africaine, Dagris, en fait l’active promotion. Lui qui avait peur, au début, que le film ne soit qu’un brûlot altermondialiste radical.

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