Élisabeth Moreno-Kofi Yamgnane : « Nous n’avons pas choisi la France par masochisme »

« Diversité, une hypocrisie française » (1/7). L’une est ministre d’Emmanuel Macron, l’autre a été secrétaire d’État sous François Mitterrand. Tous deux symbolisent, à une génération d’intervalle, une certaine forme de réussite républicaine et d’intégration à la française. Avec complicité, ils comparent leurs expériences.

Élisabeth Moreno et Kofi Yamgnane. © Montage JA; Bruno Lévy; Bruno Lévy pour JA

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Publié le 28 février 2022 Lecture : 14 minutes.

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Diversité, une hypocrisie française

Contrairement aux fantasmes de la nouvelle doxa populiste, non seulement la part des étrangers et des citoyens issus de l’immigration dans la population française est loin d’être élevée, mais leur représentativité ne correspond même pas à leur poids. État des lieux.

Sommaire

Né au Togo en 1945, Kofi Yamgnane est arrivé en France en 1969 pour y poursuivre ses études. Il s’y est marié, a milité, a été élu maire de son village breton mais aussi conseiller général, régional, puis député. Quant à sa cadette, Élisabeth Moreno, elle a vu le jour au Cap-Vert en 1970. Sa famille a rejoint la France en 1977, et, après des études de droit, elle a créé son entreprise avant de prendre la tête des filiales de grands groupes informatiques. Leur point commun : ils font partie des rares Français originaires d’Afrique subsaharienne à avoir occupé un poste ministériel. C’était en 1991 pour M. Yamgnane, lorsqu’il a été nommé secrétaire d’État chargé de l’Intégration. Mme Moreno, elle, est ministre déléguée à l’Égalité entre les femmes et les hommes, à la Diversité et à l’Égalité des chances depuis 2020.

Jeune Afrique les a réunis pour évoquer leur parcours et leur expérience ministérielle, à trente ans d’intervalle. Éloignement géographique et mesures sanitaires obligent, l’entretien s’est déroulé en visioconférence, la ministre siégeant dans son bureau parisien tandis que l’ex-maire de Saint-Coulitz – que Mme Moreno appelle « grand frère » – se connectait depuis sa maison bretonne.

Dans son bureau, un magnifique masque bassar est fixé au mur, et Kofi Yamgnane a tenu à nous en expliquer la signification. « On l’appelle “le masque du vainqueur”, et on n’a le droit de le porter que quand on a tué un ennemi. Moi, je n’ai jamais tué personne, mais j’ai eu le droit d’en avoir un parce que j’ai vaincu le Blanc chez lui. »

Jeune Afrique : Vous êtes tous les deux nés en Afrique subsaharienne, et avez tous les deux été ministres à trente ans d’intervalle. Quel regard chacun d’entre vous porte-t-il sur le parcours de l’autre ?

Kofi Yamgnane : J’admire Élisabeth Moreno, que je connaissais en tant que grande entrepreneuse. Moi, je n’ai pas eu tout à fait ce parcours-là : j’étais juste un petit fonctionnaire et un militant politique. À la demande des paysans de mon village du Finistère, j’ai eu l’occasion d’en devenir le maire à la fin des années 1980. Mais je ne m’attendais pas du tout à entrer un jour au gouvernement de la République française. Tandis qu’Élisabeth est plutôt issue de la société civile pure. Elle est arrivée par la « force des bras », c’est-à-dire par le mérite.

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