Holocauste Il est temps de tourner la page

Publié le 4 avril 2005 Lecture : 2 minutes.

L’impact de la Shoah est tel que les juifs ont le sentiment qu’il s’agit d’un événement absolument unique. Nous ne supportons pas qu’on nous rappelle que les nazis ont aussi exterminé d’autres communautés. Nous nous mettons en colère quand on compare « notre » Holocauste à d’autres génocides : ceux dont ont été victimes les Arméniens, les Cambodgiens, les Tutsis du Rwanda et bien d’autres. Comment osez-vous comparer l’incomparable !
L’Holocauste a été en effet unique à bien des égards. Rien n’est comparable à l’extermination organisée d’un peuple par des moyens industriels, avec la participation de tous les organes d’un État moderne. Mais le concept d’unicité de l’Holocauste peut conduire à des perversions inacceptables. Beaucoup d’entre nous estiment que nous sommes exonérés de toute contrainte morale parce qu’« après ce qu’ils nous ont fait », personne ne peut nous donner la leçon sur ce qui est permis et ce qui ne l’est pas. « Après la Shoah », nous avons le devoir de tout faire pour sauver des vies juives, même par des moyens ignobles. Nous avons le droit d’utiliser le souvenir de l’Holocauste comme un instrument de notre politique étrangère, puisque Israël est « l’État des survivants de l’Holocauste ». Nous avons le droit de rejeter toutes les critiques qui nous sont adressées, puisqu’il est évident que toutes sont antisémites. Nous avons le droit de monter en épingle n’importe quel incident mineur, comme un dessin de croix gammée sur une tombe juive, pour démontrer l’existence d’une « flambée d’antisémitisme » et lancer un cri d’alarme.
Ce que je veux dire, c’est qu’aujourd’hui, soixante ans après, il est temps de tourner la page, de faire en sorte que la mémoire de l’Holocauste ne soit plus la propriété exclusive des Juifs, mais devienne le bien de tous, dans le monde entier. Le deuil, la colère et la honte doivent se fondre en un message universel contre toutes les formes de génocide.
La lutte contre l’antisémitisme doit être partie intégrante du combat contre le racisme sous toutes ses formes, qu’il prenne pour cible les musulmans d’Europe, les Noirs d’Amérique, les Kurdes de Turquie, les Palestiniens en Israël ou les travailleurs étrangers partout dans le monde. Les siècles de meurtrières persécutions dont les Juifs ont été les victimes ne doivent pas nous inciter à nous enfermer dans une posture d’apitoiement sur nous-mêmes, mais au contraire nous encourager à prendre la tête d’une lutte contre le racisme, les préjugés et les stéréotypes qui commencent par les envolées de vils démagogues et se terminent en génocide.

* Ancien membre du Parlement israélien, Uri Avnery est le leader de Gush Shalom, le mouvement israélien pour la paix. monde

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