Georges Momboye seul en scène

L’artiste ivoirien en vedette à la Biennale du Val-de-Marne, dans la banlieue de Paris.

Publié le 4 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

La scène est plongée dans l’obscurité, et les spectateurs, peu à peu, prennent place dans ce brouhaha si particulier d’avant-représentation, fait de voix feutrées, de pas atténués, de glissements de fauteuils. Durant tout ce temps, il est là, allongé en travers d’une petite estrade, corps endormi, presque sans vie. Le public étonné le découvre au hasard d’un regard sur cette scène qu’il pense vide et, brusquement, cesse de chuchoter comme s’il ne fallait pas le distraire. Lui, c’est Georges Momboye, Ivoirien, chorégraphe et danseur ou danseur et chorégraphe ivoirien, comme on veut.
Pour lui, ce sera la danse avant toute chose. La consécration que lui offre la Biennale du Val-de-Marne, dans la proche banlieue de Paris, le place enfin à l’égal des plus grands, Angelin Preljocaj, Pina Bausch, les stars de la danse contemporaine et aussi tous ceux qui, avant lui, ont interprété le Prélude à l’après-midi d’un faune, de Claude Debussy, Nijinsky en tête.
C’est en effet dans ce solo magnifique, illustration musicale d’un poème du Français Stéphane Mallarmé, considéré comme « la porte d’entrée à la musique du XXe siècle », que les amateurs d’Île-de-France, du moins ceux qui n’ont pas déjà vu un de ses spectacles, vont découvrir ce jeune danseur. Sa performance est remarquable, elle n’a d’ailleurs pas manqué de surprendre le public, notamment parce qu’il a su respecter la contrainte que lui avait imposée le directeur de la Biennale, Michel Caserta, son mentor : effectuer toute sa prestation sur un espace de quatre mètres carrés. « Il s’agissait de mettre en valeur le travail d’un seul par rapport à celui de seize personnes », explique-t-il. En effet, en seconde partie, la troupe de Georges Momboye danse Le Sacre du printemps, d’Igor Stravinsky. Là aussi, il y a une contrainte : une fois que les danseurs sont sur scène, ils n’en sortent plus. « La danse africaine est très fatigante, explique Michel Caserta, il y a donc beaucoup d’entrées et de sorties. C’est une pollution du regard, on est distrait par ces allées et venues. J’ai donc proposé à Momboye l’unité de temps et de lieu. Je n’ai rien inventé, c’est un procédé fréquent au théâtre. »
C’est donc avec une troupe de seize danseurs, d’origines aussi variées que le Cameroun, la Côte d’Ivoire, la Guyane française, la Martinique, l’Italie, la Suisse, les États-Unis et la France, tous recrutés sur audition, que Georges Momboye a honoré la commande de la Biennale. Ce n’est pas lui qui a choisi d’interpréter ces deux oeuvres, mais – une fois encore – Michel Caserta. D’où un travail énorme. « La construction rythmique de ces pièces est différente de celles dont j’ai l’habitude, explique le chorégraphe, mais ma façon de danser correspond bien à leur manière d’écrire la musique. Ainsi, le contact a pu s’établir. »
Un contact qui scelle la rencontre de la musique du XXe siècle avec la culture africaine. C’est aussi la philosophie entière de la Biennale qui est contenue dans cet événement. Elle est, en effet, destinée à promouvoir la création et affirmer la place des artistes dans la société en mettant en valeur des projets novateurs. On sent là, à nouveau, la patte de Michel Caserta, l’homme de l’aventure de la danse. Né à Alger il y a 72 ans, formé au Théâtre de Casablanca, il a été « quinze ans danseur, quinze ans chorégraphe, quinze ans directeur de la Biennale », explique-t-il lui-même avec un large sourire. Borsalino sur la tête, chemise blanche et cravate mais écharpe rouge autour du cou, l’oeil malicieux et le verbe fin, il poursuit inlassablement sa quête de l’étonnant. « Je suis allé là où je ne comprenais pas ce qui se passait, là où j’étais surpris, où la danse n’était pas codifiée, ni admise dans la société bien-pensante. Je suis contre la pensée unique. J’étais un danseur libre, et je le suis toujours. »
Avec un tel état d’esprit, on comprend que la Biennale du Val-de-Marne soit devenue un vivier de jeunes talents, un moment de consécration pour des compagnies en plein essor et une tribune pour les stars internationales.

Jusqu’au 17 avril 2005, dans seize théâtres du département du Val-de-Marne. Renseignements : www.danse94.com ou biennale@danse94.com ou (33) 1 46 86 70 70.

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