Fatoumata Coulibaly

Dans la vie comme au cinéma, cette Malienne, actrice, réalisatrice et journaliste célèbre, se bat inlassablement contre l’excision.

Publié le 4 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Elle crève l’écran dans Moolaadé, le dernier long-métrage du Sénégalais Ousmane Sembène, primé à Cannes en 2004. Fatoumata Coulibaly y interprète le rôle de Collé Ardo, une femme courageuse qui accepte, seule contre l’avis de tous, d’accorder le droit d’asile – le moolaadé – à quatre fillettes fuyant l’excision. Le film, élégie à la liberté, est bouleversant.
Dans la « vraie vie », Fatoumata est fidèle à son personnage. Derrière sa voix douce et son visage de jeune fille (elle refuse de dire son âge) se cache une guerrière obstinée et une travailleuse boulimique. Née à Bamako, elle entre à la radio nationale à 23 ans au secrétariat des programmes. Sa voix plaît et, rapidement, on lui propose de tenir l’antenne. Elle débute avec une émission sur le monde rural intitulé Sahel vert et, quelques mois plus tard, prend les rênes du programme vedette diffusé en direct tous les matins de 8 heures à 10 heures. Dès lors, le virus du journalisme ne la quittera plus. Aujourd’hui, elle produit et anime deux émissions à la télévision malienne, dont un magazine sur la santé à destination des femmes.
Et elle fait des films. En tant qu’actrice – on la retrouve dans une vingtaine de longs-métrages – et réalisatrice, une façon, dit-elle, « d’informer et de sensibiliser les gens tout en les distrayant ». En 1999, elle réalise son premier film, N’golo, dit Papi, sur les enfants des rues. Il reçoit le Prix de la coopération française au Fespaco de Ouagadougou. Viennent ensuite La Quête violée, un documentaire sur les élèves des écoles coraniques, ou encore Le Combat de Lalla, qui traite de la prostitution cachée. Actuellement, Fatoumata travaille sur un scénario de série télévisée.
Mais la vedette nationale – à Bamako tout le monde connaît la voix et les émissions de « FC » – est avant tout une combattante insatiable. Depuis plusieurs années, elle milite au sein de l’Association malienne pour le suivi et l’orientation des pratiques traditionnelles (Amsopt) qui s’occupe de l’excision. Tous les quinze jours, Fatoumata effectue des tournées de sensibilisation en milieu rural. Après avoir obtenu l’accord du chef du village (pour cela, elle doit souvent revenir deux, trois, voire quatre fois), elle réunit les femmes et les hommes sous l’arbre à palabres et sort « les mannequins » : deux bassins de femmes en bois, sexes béants, l’un excisé, l’autre non, qu’elle brandit sous le nez de son auditoire effaré. Dans un Mali à majorité musulmane et où plus de 90 % des femmes sont excisées, parler ouvertement de sexe choque et scandalise. Mais à force de paroles, Fatoumata parvient à convaincre. Les hommes, qui, au début, détournaient le regard, ouvrent les yeux. « Voilà ce que vous faites à vos filles. C’est très dangereux. Cela peut provoquer des maladies, l’incontinence et la mort. Lors de l’accouchement, la peau se déchire et la femme risque chaque fois de succomber. »
Son combat contre l’excision, elle l’a entamé il y a une quinzaine d’années. Lors de ses reportages pour la radio, elle assistait souvent à des drames. « Je rencontrais des femmes éplorées qui avaient perdu leur enfant. Elles m’expliquaient qu’après l’excision, la fillette avait perdu beaucoup de sang et était décédée trois jours plus tard. Peu à peu, en interrogeant les médecins, j’ai pris conscience de ce qu’était l’excision. Moi-même je suis excisée et, Dieu merci, je n’ai jamais eu de problème. Mais je lutte pour ces fillettes et ces femmes qui ont mal dans leur chair, qui souffrent lorsqu’elles font l’amour avec leur mari et qui n’osent pas leur en parler de peur d’être répudiées. »
À ce jour, l’excision n’est toujours pas illégale au Mali. Seule une circulaire du ministère de la Santé se limite à l’interdire en milieu médical. Cependant, un Centre national de lutte contre l’excision a été créé en 2002, et de nombreuses associations, dont l’Amsopt, travaillent pour sensibiliser les populations et accompagner la reconversion professionnelle des exciseuses. Ainsi, sur les 70 villages couverts par l’Amsopt, 35 ont « jeté le couteau ». De quoi encourager Fatoumata, qui estime qu’« une loi ne résoudra pas le problème car, pour la plupart des Maliens, l’excision fait partie de la tradition, voire de l’islam, selon certains. Pour qu’elle prenne fin, il faut sensibiliser et éduquer les populations. »

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