Exil : sous deux angles

La blessure de Nicolas Klotz (sortie à Paris le 6 avril), Va, vis et deviens de Radu Mihaileanu (sorti à Paris le 30 mars)

Publié le 4 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Ce sont deux longs-métrages qui parlent de l’exil d’Africains. Les deux sont des fictions, mais ils sont aussi différents que pourraient l’être deux films qui conteraient la même histoire l’un comme un documentaire implacable et l’autre comme un mélodrame classique.
La Blessure raconte comment Blandine, une jeune Congolaise (RDC) fuyant des persécutions et venue retrouver en France son mari déjà demandeur d’asile, se voit maltraitée le mot est faible par les autorités françaises. Parquée avec d’autres Africains dans la zone de rétention de l’aéroport de Roissy, brutalisée quand on tente de la rembarquer de force sur un vol vers Kinshasa, elle doit à une blessure « physique » qu’on lui a infligée à cette occasion de pouvoir finalement pénétrer sur le territoire de cette France si peu accueillante. Elle n’est plus séquestrée, mais, dans le sordide squat où elle se trouve obligée de résider, elle ne sortira que difficilement de l’état de prostration dans lequel l’a plongée sa terrible expérience.
Dans Va, vis et deviens, on suit le parcours d’un jeune Éthiopien de 9 ans obligé par sa mère, décidée ainsi à le sauver de la misère, à se faire passer pour un enfant juif orphelin. Ainsi, rebaptisé Schlomo, va-t-il bénéficier du fameux pont aérien organisé en 1984 par les services secrets israéliens pour faire émigrer vers l’État hébreu quelques milliers de descendants noirs du roi Salomon et de la reine de Saba, ces Juifs éthiopiens connus sous le nom de Falashas. Obligé de vivre dans une famille d’adoption en gardant le secret sur le double mensonge qui constitue le coeur de sa nouvelle identité, Schlomo doit de surcroît affronter le racisme et l’intolérance d’une partie de la population de sa nouvelle patrie. Une situation pénible que l’enfant puis l’adulte vit d’autant plus mal qu’il se sent coupable, comme un imposteur. Jusqu’au jour où, devenu médecin, il décide de partir exercer en Éthiopie pour retrouver enfin ses racines.
La douleur de l’exil, les problèmes identitaires, la difficulté à vivre entre deux cultures, l’incapacité des pays d’accueil et de leur population à traiter dignement les émigrés, autant de thèmes qu’explorent en long et en large les deux films. Mais le premier, La Blessure, opte pour la manière minimaliste – que des plans fixes, beaucoup de monologues – et prend tout le temps et la distance nécessaires pour montrer sans pathos ce que vivent Blandine et tous ses compagnons d’infortune. Alors que le second joue sur la compassion, l’identification, l’émotion immédiate pour, à coup de scènes spectaculaires ou bouleversantes, provoquer une adhésion à l’intrigue et délivrer un message d’espoir quelque peu lénifiant.
Des choix radicalement différents qui impliquent des regards tout aussi différents tant de la part des réalisateurs que des spectateurs. Le point de vue que nous propose Nicolas Klotz, c’est celui de Blandine, mais présenté d’une façon telle que, bien qu’il soit impossible de ne pas être touché, on est moins invité à partager qu’à entendre le « discours ». Radu Mihaileanu, pour sa part, impose sa propre lecture d’une aventure édifiante. Impossible de conserver la moindre distance avec cette histoire qui voit son « héros » surmonter petit à petit tous les obstacles pour finir, réconcilié avec lui-même, dans la peau d’une sorte de saint laïque qui se consacrera aux autres. Le « message » humaniste de chacun des deux films est honorable, mais l’un, exigeant dans le bon sens du terme, oblige à penser, alors que l’autre, certes plus « distrayant », pense à votre place.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires