Ce que j’ai vu le 23 mars 1965 à Casablanca
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En mars 1965, j’étais professeur de français au lycée Fatima-as-Zahra, à Casablanca. Au matin du 22 mars, le lycée était presque vide. Nous savions qu’une manifestation de lycéens était en cours, sans imaginer son ampleur. L’après-midi, les conversations entre collègues tournaient autour de la dispersion des manifestants sur le boulevard Mohammed-as-Zerktouni, mais nous pensions l’affaire sinon close, du moins calmée. À la sortie du soir, la tension était néanmoins perceptible en ville, et nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de faire cours le lendemain.
Effectivement, le 23 mars, nombre de professeurs étaient absents. Très vite, la directrice ordonna au chaouch de barricader l’entrée, à cause des attroupements de jeunes du lycée Mohammed-V dans notre petite rue. À midi, l’atmosphère a complètement changé. Les forces de police sont partout. En dépit des ordres de la directrice, les professeurs décident de ne pas revenir l’après-midi. Des nouvelles nous parviennent de la nouvelle médina, où se sont déroulés les événements d’une extrême violence que vous relatez (voir J.A.I. n° 2306). Le lendemain, les rues sont à nouveau calmes, au prix d’un important déploiement de troupes en tenue de combat, lourdement armées, notamment de fusils-mitrailleurs. Je crois me rappeler que cette présence se maintint plusieurs jours, mais les cours reprirent. Quelques jours plus tard, au cours d’un conseil de classe, nous avons eu la surprise de voir des policiers en civil faire irruption dans le bureau de la directrice et procéder à l’arrestation immédiate d’un collègue marocain, professeur d’arabe, qui nous laissa pantois. Il n’a jamais repris son poste, personne n’a jamais pu nous dire ce qu’il était advenu de lui. Les années suivantes, d’autres manifestations eurent lieu, de moindre ampleur certes, mais réprimées tout aussi vigoureusement.
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