Ahmed Zaki

L’acteur égyptien est mort au Caire le 27 mars 2005.

Publié le 4 avril 2005 Lecture : 3 minutes.

Le mal était incurable, mais Ahmed Zaki croyait dur comme fer pouvoir le vaincre. « On devrait célébrer chaque instant de notre vie, disait-il à ses amis, la vie est belle et on doit l’aimer. » Mais peut-on venir à bout d’un cancer qui ronge les poumons ? Après une longue agonie, l’acteur égyptien est décédé dimanche 27 mars à l’âge de 56 ans. L’Égypte et la rue arabe pleurent sa disparition. Parce qu’il est un monument du cinéma égyptien, Ahmed Zaki a eu droit à des funérailles quasi nationales. Des ministres et hauts fonctionnaires, des dizaines d’acteurs et d’actrices ainsi que des milliers de petites gens ont assisté aux funérailles, organisées au Caire le 28 mars.
La vie d Ahmed Zaki n’aura pas été un long fleuve tranquille. Né en 1949 dans le village Al Chariâa, dans le delta du Nil, il perd son père à l’âge de 1 an. Sa mère se remarie et part vivre ailleurs. Ses grands-parents le recueillent et se chargent de son éducation. Très jeune, Ahmed Zaki se passionne pour le théâtre et les jeux de rôles, mais la dure vie de paysans pauvres d’Égypte laisse peu de place à l’exercice de la comédie. Il tente, sans succès, des études professionnelles et rate trois fois un concours de plombier-zingueur avant d’opter pour la carrière d’artiste. Diplôme d’art dramatique en poche, il décroche son premier grand rôle au cinéma en 1973 dans le film Les Enfants du silence. Ahmed Zaki y incarne un soldat frustré par l’humiliante défaite des Arabes face à Israël en 1967. Commence alors un parcours cinématographique riche et diversifié. L’artiste tourne dans 56 films, multiplie les rôles de composition et s’illustre dans un genre aussi complexe que controversé : le film historique. Sous la direction de Mohamed Fadhel, il se met dans la peau du président Gamal Abdel Nasser dans Nasser 56. Dans Ayyam Saddat, il campe Anouar al-Sadate, le chef de l’État égyptien, artisan du rapprochement entre son pays et Israël, mort assassiné le 6 octobre 1981. Bien sûr, les contempteurs d’Ahmed Zaki raillent l’opportunisme de l’acteur. Jouer Sadate le félon, après avoir si bien incarné Nasser le héros, était plus qu’une faute de goût, c’est une insulte à la mémoire du héraut de la cause arabe. Mais Ahmed Zaki n’a cure des détracteurs. Mohamed Khan, son réalisateur fétiche, dira de lui qu’il est comme Robert de Niro : il possède un instinct naturel pour la comédie. « Même sans les moyens que possède Hollywood, Zaki a donné au cinéma égyptien son côté glamour », affirme Khan.
Le secret de cette réussite ? Le travail. Pour entrer dans la peau de son héros, il s’immerge dans sa vie, constitue des dossiers, fouille les moindres recoins du personnage, comme pour s’y réincarner. « Au fur et à mesure, j’ôte ce qui fait de moi Ahmed Zaki pour revêtir les habits psychologiques et physiques de mes personnages. Quand je prends un rôle important, c’est un tremblement de terre », confiait-il au quotidien français Libération. Le rêve d’Ahmed Zaki était de porter à l’écran la vie du célèbre chanteur Abdel Halim Hafez, le rossignol de la chanson arabe. C’est qu’entre Ahmed et Abdel Halim, il y a beaucoup de choses en commun. « On vient du même village. Je me suis baigné dans la même rivière que lui. On pêchait le poisson à la main », affirme l’acteur. Ce n’est pas tout. Lorsque Ahmed Zaki se rend à Londres pour une opération chirurgicale, il est pris en charge par le même médecin qui a traité Abdel Halim Hafez, mort également d’un cancer. L’acteur y a vu, non une fatalité, mais une sorte d’avertissement.

Contrairement aux stars du show-biz, la gloire ne lui a pas donné la grosse tête. Bien au contraire. « Ma peau, c’est l’Égypte actuelle, déclarait-il. Autrefois, le cosmopolitisme du Caire imposait ses images, ses figures aux spectateurs arabes. Aujourd’hui, c’est l’Égypte réelle qui est présentée sur grand écran. Avant, elle copiait le cinéma d’Hollywood, aujourd’hui elle s’assume. »
L’acteur a disparu sans avoir achevé le tournage de son film sur Abdel Halim Hafez. Se sachant condamné, il aurait demandé au réalisateur Chérif Arafa de filmer ses funérailles pour les inclure dans Halim. La réalité aura rejoint la fiction.

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