Un Chinois à la baguette

Pour la première fois, un ressortissant d’un pays en développement accède au poste d’économiste en chef de l’institution financière.

Publié le 4 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Nouvel économiste en chef de la Banque mondiale, le Chinois Justin Lin Yifu sera le premier ressortissant d’un pays en développement à occuper une telle fonction au sein de l’institution financière, dont les liens avec Pékin vont donc se resserrer. Docteur en économie de l’université de Chicago, il dirigeait jusqu’ici un think tank à l’université de Pékin et travaillait avec le gouvernement, qu’il a récemment conseillé sur la modernisation de l’économie rurale traditionnelle. Sa carrière professionnelle est assez exceptionnelle, mais son histoire personnelle ne l’est pas moins : après avoir déserté de l’armée taïwanaise en 1979, il a rejoint la Chine populaire à la nage à partir de l’île de Kinmen, à plusieurs kilomètres au large de la province de Fujian.
Cette nomination semble confirmer la volonté de Robert Zoellick, le président de la Banque, de collaborer plus étroitement avec des pays émergents comme la Chine, l’Inde ou le Brésil. Une stratégie d’ailleurs contestée par certains experts et responsables politiques convaincus de la nécessité d’aider prioritairement les plus pauvres. Mais Zoellick juge indispensable la participation de ces pays à la lutte contre, par exemple, le réchauffement climatique ou certaines maladies, notamment en Afrique et en Amérique du Sud, régions où la Chine et, dans une moindre mesure, l’Inde investissent déjà massivement.
L’arrivée de Justin Lin Yifu pose aussi un problème doctrinal. On sait que l’idéologie dominante à la Banque mondiale est l’économie de marché. Et que le modèle de développement occidental constitue l’alpha et l’oméga des solutions qu’elle propose. Depuis Deng Xiaoping, la Chine est avant tout pragmatique : elle croit à ce qui marche. « Peu importe qu’un chat soit noir ou gris, disait Deng, pourvu qu’il attrape les souris. »

Et la démocratie ?
Dans ses écrits, à l’inverse du modèle occidental, qui se méfie des interventions étatiques et prône les privatisations, Lin considère ainsi que c’est la qualité d’un gouvernement qui décide du succès ou de l’échec du développement. La Banque mondiale se laissera-t-elle influencer ?
Certains observateurs soulignent que, dans ses écrits, Lin évite soigneusement d’évoquer le problème de la démocratie. Il explique par « la chance, la géographie et la culture » les trajectoires économiques radicalement différentes de l’Afrique et de l’Asie orientale. Commentant les famines de l’époque du Grand Bond en avant (1958-1962), il réussit à faire l’éloge des théories de l’économiste indien Amartya Sen sans utiliser une seule fois le mot démocratie – alors que l’une des idées de base de Sen est précisément que les famines ne peuvent survenir que sous des régimes autocratiques ou dictatoriaux.
Pragmatique quoi qu’il en soit, la Chine a annoncé sa participation au fonds d’aide multilatérale mis en place par la Banque mondiale.

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