Sénégal : assassinat de Demba Diop

3 février 1967

Publié le 4 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Solidement installé à la tête du Sénégal depuis l’indépendance en 1960, le président Léopold Sédar Senghor règne en maître sur le pays en ce début de 1967. Son principal rival, l’ancien président du Conseil Mamadou Dia, a été écarté de la scène politique en 1962. Après l’intégration du Parti du regroupement africain (PRA) au sein de l’Union progressiste sénégalaise (UPS) – la formation du chef de l’État -, en 1966, il n’y a plus d’opposition qu’extraparlementaire.
C’est au sein du parti unique que le débat politique est désormais circonscrit. Les luttes de clans se transforment à l’occasion en règlements de comptes. Le 3 février, à 10 heures, une figure du parti, Demba Diop, est assassinée de plusieurs coups de couteau au cours d’une réunion à la gouvernance (préfecture) de Thiès, à 70 km à l’est de Dakar. On découvrira bientôt que le meurtrier, un certain Abdou Ndaffa Faye, a agi pour le compte de rivaux locaux du député-maire de M’Bour, petite ville située à 80 km au sud de la capitale.
Ancien ministre de la Jeunesse et des Sports, Demba Diop, né en 1927 à Boghé (Mauritanie), instituteur de formation, est tombé dans le guet-apens que lui ont tendu deux de ses collègues de la région, les députés Jacques d’Erneville et Ibou Kébé.
Le procès ne tarde pas et, le 18 mars 1967, le meurtrier est condamné à la peine capitale par le tribunal spécial de Dakar. Les deux commanditaires écopent pour leur part de lourdes peines de prison.

Jusqu’ici largement épargné par la violence politique, le Sénégal connaît un nouveau choc quelques jours plus tard. Le 22 mars, jour de la Tabaski (l’Aïd el-Kébir), Senghor lui-même est victime d’une tentative d’assassinat à la Grande Mosquée de Dakar. Moustapha Lô, qui a pointé un pistolet sur le président sans avoir le temps d’accomplir son forfait, est arrêté, jugé et condamné à mort à son tour. Comme Abdou Ndaffa Faye, il sera fusillé peu après. Senghor, en effet, a refusé d’exercer son droit de grâce dans les deux cas.
On s’est étonné de ce manque de mansuétude, d’autant que de nombreuses personnalités étaient intervenues en faveur du jeune Lô, issu d’une grande famille maraboutique. Mais le premier président du Sénégal restait, en son âme et conscience, et comme la très grande majorité des dirigeants de l’époque, partisan de la peine de mort, dans laquelle il voyait un effet dissuasif. Ainsi le Sénégal connut-il en cette année 1967 les deux premières exécutions publiques de sa jeune histoire. Elles seront aussi les dernières. Il faudra toutefois attendre 2004, soit quatre ans après l’arrivée au pouvoir d’Abdoulaye Wade, pour que la peine de mort soit abolie.
La destinée tragique de Demba Diop est restée vivante dans la mémoire des Sénégalais. L’un des grands stades de Dakar porte son nom, de même que le lycée de M’Bour. Sa veuve, Caroline Faye, qui avait repris le flambeau, mènera une belle carrière politique, comme députée et ministre sous les présidences de Senghor et de son successeur, Abdou Diouf. Le stade de M’Bour a été baptisé de son nom après sa mort en 1992.
En attendant, les événements de 1967 ne furent pas sans conséquences politiques. Inquiet des luttes de factions au sein de l’UPS, tristement illustrées par le meurtre du député-maire de M’Bour, Senghor souhaitait modifier la Constitution en faveur d’un renforcement de l’exécutif. De fait, la révision du 20 juin 1967, qui accordait notamment au président de la République le droit de dissoudre l’Assemblée nationale, aboutissait à une concentration des pouvoirs entre les mains du chef de l’État. L’année suivante, pourtant, la crise sociale et estudiantine de Mai 68 allait manquer d’emporter le régime.

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