Sankara retrouve Mitterrand

Jusqu’au 22 février se joue en banlieue parisienne une pièce mettant en scène le face-à-face mémorable de 1986 entre les présidents français et burkinabè.

Publié le 4 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Palais présidentiel de Ouagadougou, 17 novembre 1986. Deux hommes se font face à une table de banquet. Le premier, Thomas Sankara, s’est emparé du pouvoir trois ans auparavant à la suite d’un coup d’État instaurant un régime d’inspiration marxiste-léniniste. Le second, François Mitterrand, préside aux destinées de la France depuis cinq ans et se rend au Burkina Faso pour mieux évaluer l’étendue de cette révolution populaire. Une rencontre mémorable, toujours très ancrée dans l’inconscient collectif burkinabè, que Jean-Louis Martinelli a mise en scène dans la pièce Mitterrand et Sankara.
Lors de la réception officielle, le bouillonnant capitaine se lance dans une diatribe enflammée pour dénoncer pêle-mêle le néocolonialisme, les rapports Nord-Sud, l’aide – « un calvaire et un supplice pour les peuples » – ou encore l’attitude de la France, si prompte à défendre les droits de l’homme mais qui n’hésite pas à accueillir des responsables sud-africains qui la « tachent de leurs mains et de leurs pieds couverts de sang ». L’audace peu protocolaire fait mouche. Froissé d’être ainsi placé face à ses propres contradictions, le chef de l’État français réplique. S’engage un échange aigre-doux où la causticité du vieux lion répond à l’impertinence et à l’ironie du jeune loup.
L’originalité de la pièce tranche avec la sobriété du décor, constitué de trois chaises, d’un tapis et d’une calebasse. Créée en 2002 et reprise depuis le 18 janvier au théâtre Nanterre-Amandiers, dans la proche banlieue parisienne, Mitterrand et Sankara ne se contente pas de restituer les interventions désormais fameuses des deux tribuns. Elle repose d’abord sur la réécriture de cette rencontre sous la plume de Jacques Jouet, mais aussi sur la présence d’un troisième intervenant : le « Théâtre simple ». Personnage théorique, modérateur du débat et allégorie de l’art scénique, ce rôle tenu par l’actrice Odile Sankara, sur cadette du défunt président burkinabè, dicte la règle de ce débat ritualisé. Celle-ci est simple.

Grain de maïs
Les deux protagonistes ne prennent la parole que s’ils parviennent à cracher un grain de maïs dans l’eau contenue dans la calebasse. Les représentations sont donc toutes différentes les unes des autres suivant l’habileté ou non des acteurs. À l’improvisation des discours répond celle du jeu. « On ne peut pas savoir a priori si c’est Sankara, Mitterrand ou le Théâtre simple qui aura le dernier mot », explique Jean-Louis Martinelli. Une mise en scène originale, qui, au final, permet de dévoiler les différentes facettes de l’art oratoire qu’est la politique, présentée ici sous les traits de deux grandes figures historiques.
À l’affiche à Nanterre jusqu’au 22 février après l’avoir été sur le continent africain (Burkina Faso, Congo, Togo, Bénin), Mitterrand et Sankara sera présentée à travers toute la France en 2008. Une occasion pour le public, averti ou non, de découvrir ou à redécouvrir la force de cet échange, dont la teneur, vingt ans après, reste d’une vibrante actualité.

la suite après cette publicité

Mitterrand et Sankara, Théâtre Nanterre-Amandiers jusqu’au 22 février 2008. Rens. : 01 46 14 70 00.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires