Mobilisation internationale

De Washington à Londres, de Bruxelles à Addis, les dirigeants en appellent au calme, prônent le compromis politique. Et soutiennent Kofi Annan dans la recherche d’une sortie de crise.

Publié le 4 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Traumatisée par le souvenir de son impéritie face au génocide rwandais, la communauté internationale ne veut pas reproduire l’erreur avec le Kenya. Le 29 janvier, le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a tiré la sonnette d’alarme, se disant « extrêmement préoccupé par la situation au Kenya, le nombre de morts et les affrontements ethniques ». Le lendemain, la sous-secrétaire d’État américaine chargée des Affaires africaines, Jendayi Frazer, est allée plus loin encore, dénonçant un « nettoyage ethnique flagrant ». Tandis que pour Paul Kagamé, le président rwandais, la situation est si grave qu’un coup de force de l’armée pourrait être une solution afin d’« arrêter dans l’urgence les tueries en cours ».
C’est avec la même sévérité que les diplomates occidentaux ont jugé le scrutin présidentiel du 27 décembre. Rompant avec leur langage feutré, de mise quand ils commentent un processus électoral sur le continent, ils sont unanimes : l’élection de Mwai Kibaki est entachée de fraudes. David Miliband, ministre britannique des Affaires étrangères, évoque de « sérieuses questions quant au décompte des voix ». Même les États-Unis, qui se sont empressés de féliciter Mwai Kibaki au lendemain du vote, sont finalement contraints de se dédire devant l’évidence : pour Jendayi Frazer, « les irrégularités du dépouillement entament la crédibilité du scrutin ». Réuni à Bruxelles le 28 janvier, le Conseil de l’Union européenne (UE) demande qu’une « enquête au sujet des allégations de fraudes » soit « rapidement et soigneusement diligentée ».

Wade monte au créneau
La communauté internationale ne va pas pour autant jusqu’à réclamer la tenue d’un nouveau scrutin. Ses préoccupations du moment sont la fin de la violence et le compromis politique, ce qui, de source européenne, pourrait se traduire par un partage du pouvoir entre les deux protagonistes, Mwai Kibaki et Raila Odinga. Une solution que le président de la Commission de l’Union africaine (UA), Alpha Oumar Konaré, regarde d’un mauvais il : « Si l’on accepte de partager le pouvoir comme on le fait pour un gâteau, les problèmes vont demeurer, car il y aura toujours des insatisfaits », s’est-il insurgé, le 27 janvier. Les chefs d’État et de gouvernement africains, réunis en sommet à Addis-Abeba (voir pp. 14-15), se sont saisis du dossier. Certains sont montés au créneau, dont le Sénégalais Abdoulaye Wade, qui n’exclut pas de se rendre à Nairobi. Ce qu’a fait Ban Ki-moon, le secrétaire général de l’ONU, le 1er février pour y rencontrer Odinga après avoir vu, la veille, Kibaki en marge du sommet de l’UA à Addis-Abeba.
Diserts, les médiateurs occidentaux ont néanmoins abandonné l’action sur le terrain. Au début de la crise, on a bien vu Jendayi Frazer séjourner au Kenya, du 4 au 14 janvier. Elle y a notamment rencontré Kibaki et Odinga, cherchant à « encourager et faciliter le dialogue ». Louis Michel, le commissaire européen à l’Aide humanitaire, s’est également entretenu avec ces deux derniers, le 19 janvier à Nairobi, en compagnie d’un envoyé de Javier Solana, haut représentant de l’UE pour la politique étrangère.

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Menaces de sanctions
Mais depuis, les émissaires du Vieux Continent et des États-Unis, privilégiant une solution africaine, ont transmis le flambeau à Kofi Annan, qui a l’appui de l’UA. À Bruxelles, on précise être en « contact permanent » avec le Ghanéen, que le Conseil de l’UE assure de son « soutien plein et entier ». Même son de cloche du côté de l’ancienne puissance coloniale : dans une interview à la BBC, le 28 janvier, Mark Malloch Brown, ministre britannique chargé de l’Afrique, de l’Asie et des Nations unies, estime que l’ex-secrétaire général de l’ONU est « le négociateur le plus compétent » en la matière. Le 29 janvier, la secrétaire d’État américaine Condoleezza Rice lui a apporté ses encouragements. Mais si, à l’issue de la médiation, aucune solution n’est trouvée, des sanctions pourraient être prises contre le Kenya. En clair, une réduction voire une annulation de l’aide de l’UE, de 316 millions d’euros sur la période 2002-2007, ou de celle des États-Unis, qui s’étaient engagés à fournir 366 millions d’euros en 2008. Tout repose sur les épaules de Kofi Annan.

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