Le mal tchadien

Publié le 4 février 2008 Lecture : 2 minutes.

Davantage que les chicaneries sur la succession d’Alpha Oumar Konaré à la tête de la Commission de l’Union africaine soldées en définitive par la victoire de Jean Ping, le vice-Premier ministre gabonais chargé des Affaires étrangères (voir pp. 14-15), ce sont deux cauchemars récurrents qui sont venus polluer le sommet des chefs d’État et de gouvernement réuni du 31 janvier au 2 février, à Addis-Abeba : le Kenya (voir pp. 30 à 34) et le Tchad, tous deux confrontés à la guerre civile, à l’effroi, aux flammes et à la fureur des armes. Le premier, il est vrai, en invité d’autant plus impromptu qu’il ne faisait pas encore partie des enfants terribles de la fratrie continentale. Le second, en habitué que la communauté africaine traîne comme un boulet depuis plus de quarante ans. De l’indépendance en août 1960 à nos jours, aucun régime installé à N’Djamena n’a pu se prévaloir d’une réelle légitimité.
À l’exception de N’Garta (« le chef », en sara) Tombalbaye, installé par l’ex-puissance coloniale puis demeuré aux commandes quinze ans durant sous perfusion française, aucun des dirigeants de ce pays n’est arrivé au pouvoir par les urnes. Qu’il s’appelle Félix Malloum Ngakoutou, Lol Mahamat Choua, Goukouni Oueddeï, Hissein Habré et, aujourd’hui, Idriss Déby Itno. Tous, à la tête de troupes de fortune équipées par d’autres, y ont accédé par la force des armes. Et s’y sont la plupart du temps maintenus par les mêmes moyens. Sans que rien ni personne sur le continent ne parvienne à mettre un terme à cette détestable culture de l’alternance par le kalachnikov.
Cette posture de l’Afrique traduit moins le courage politique à promouvoir la démocratie que le service minimum d’une diplomatie frileuse prompte à se retrancher derrière le devoir de non-ingérence. Au grand dam de beaucoup de Tchadiens, qui n’ont jamais cessé de tirer la sonnette d’alarme pour appeler au secours devant la faillite de tous ceux qui se sont succédé à la tête de leur pays. Comme si tout sentiment national leur était étranger, ils se sont ouverts à toutes sortes de manipulations avant de finir par se livrer au plus offrant. Aux Français, aux Libyens, aux Soudanais. Parfois et en même temps à deux d’entre eux. L’ancien président Jacques Chirac, oubliant sans doute le rôle que joua son propre pays sur les rives du Chari, avait-il raison quand, un jour d’avril 2006, il qualifia en privé le Tchad d’« espace défini par les frontières de ses voisins » ? Il y a trente ans, une couverture de J.A. fit date – et scandale. Son titre : « Tchad : État néant ». Rien ou presque n’a changé depuis, même s’il n’est jamais trop tard pour que les Tchadiens prennent enfin leur destin en mains.

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