Gouraud, l’hippolâtre

L’ancien directeur de la rédaction de Jeune Afrique poursuit son tour du monde du cheval. Et rapporte force anecdotes, historiques ou plus légères, de ses pérégrinations.

Publié le 4 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Situé sur la rive asiatique du Bosphore, le quartier d’Istanbul que les Turcs appellent Üksüdar est connu des Occidentaux sous le nom de Scutari. C’est là, à croire les guides touristiques, que l’on trouve la plus grande nécropole du monde musulman. Des pèlerins venus de toute l’Anatolie y affluent en un flot continu. L’objet de leur vénération ? La dépouille d’un certain Karacaahmet, l’un des saints les plus honorés de la communauté musulmane des Alévis.
Ce n’est pas parce qu’il s’intéresse spécialement à cette branche de l’islam chiite que Jean-Louis Gouraud a eu envie un jour de découvrir le cimetière où repose le fameux Karacaahmet. Ce qui l’a amené dans cet endroit, c’est que, fait unique dans le monde musulman, non loin du mausolée du saint homme, repose sa monture préférée.
Après la Russie, l’Afrique, l’Asie centrale*, l’ancien directeur de la rédaction de Jeune Afrique (il était entré dans notre journal en 1968) achève son tour du monde du cheval par cette immense aire que les Européens appellent traditionnellement « Orient ». Les contrées où il nous entraîne vont du Maroc à l’Inde, de l’Atlantique au golfe du Bengale et à l’Himalaya. C’est dire la diversité de cet espace qui englobe plusieurs ensembles linguistiques : berbère, arabe, turc, persan, indo-aryen
À la variété des hommes répond celle des chevaux. En Inde, par exemple, se trouve une race étonnante appelée Kathiawar. Sa particularité tient dans les oreilles, qui se touchent quand l’animal est sur ses gardes, dessinant ainsi la forme d’une ogive, telle qu’on en trouve couramment dans l’architecture mongole. Tout s’explique !

Conquête musulmane
Très loin de là, en Algérie, vit celui qui semble l’un des préférés de Gouraud : le barbe. Aucune race n’a, semble-t-il, un passé aussi long. Entre les montures qu’utilisaient les cavaliers de Jugurtha ou de Massinissa et celles que l’on peut voir aujourd’hui en Kabylie, par exemple, il n’y a que très peu de différences. Parmi leurs faits de gloire, la conquête musulmane de l’Espagne. En se mélangeant aux races locales, les barbes donnèrent naissance aux fameux chevaux andalous.
Fou de l’espèce équine au point de lui vouer son existence depuis plusieurs décennies (d’aucuns l’on surnommé l’hippolâtre), Jean-Louis Gouraud lui a déjà consacré une bonne vingtaine de livres en tout genre, y compris une anthologie de représentations érotiques. Il pourrait nous ennuyer rapidement s’il ne parlait que de son animal fétiche. Celui-ci, heureusement, n’est qu’un prétexte pour nous faire toucher à des traits de civilisation des pays qu’il parcourt. Pas de grandes théories sous sa plume, mais des rappels historiques, des anecdotes, des saynètes, des historiettes rapportées de ses pérégrinations. Un jour, par exemple, lui est venue l’envie d’en savoir plus sur les centaines de haflingers (des petits chevaux blonds prisés par les poneys clubs) commandés à l’Autriche par l’armée indienne au début des années 1980 afin de surveiller les confins himalayens.
Après de nombreuses démarches, il fut enfin autorisé à se rendre sur place. Quelle ne fut pas sa surprise de découvrir que les juments tyroliennes servaient de mulassières. Le mulet, comme on sait, est le produit du croisement entre une jument et un âne. Le plus drôle, c’est que les ânes reproducteurs utilisés par les Indiens n’étaient pas non plus des autochtones, mais des baudets du Poitou, cette région du centre de la France présidée par une certaine Ségolène Royal

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* Russie, des chevaux, des hommes et des saints, 2001 ; L’Afrique, par monts et par chevaux, 2002 ; L’Asie centrale, centre du monde (du cheval), 2005. Les trois livres aux éditions Belin.

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