Fadela Amara

Secrétaire d’État française à la Politique de la ville

Publié le 4 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Le soleil brille sur Constantine. Dans les rues en pente de la capitale de l’Est algérien, ministres, conseillers et gardes du corps pressent le pas pour suivre au plus près leur maître, Nicolas Sarkozy, alors en visite d’État. En marge de l’essaim, Fadela Amara, elle, prend son temps. Cachée derrière l’altière Rama Yade, la petite secrétaire d’État à la Politique de la ville longe les barrières de sécurité, au plus près des badauds venus applaudir l’ex-ministre français de l’Intérieur et, surtout, leur président, Abdelaziz Bouteflika. Elle serre des mains, sourit, lâche quelques mots. Avec ses cheveux ondulés qui lui barrent les yeux, son sourire timide et son visage sans maquillage, elle détonne dans ce cortège de costumes-cravate et de tailleurs. Pour une fois, la fille d’immigrés kabyles participe à un voyage officiel. Un peu de « diversité » dans les valises de l’Élysée, voilà qui ne peut que réchauffer les relations entre Alger et Paris.
Fadela Amara (Fatiha, de son prénom original), 43 ans, sait bien qu’elle n’est pas là seulement pour son expertise en matière de banlieues et d’immigration. Mais en ce 5 décembre 2007, dans les rues de Constantine, elle ne boude pas le plaisir de se sentir chez elle. Qu’importe si elle n’est pas sous les feux de la rampe. Elle s’en fout, Fadela. Le 22 janvier, elle devait présenter « à la France », comme elle dit sur son blog (officiel) en levant les bras au ciel, son plan « Espoir banlieues », remède de la dernière chance à la crise qu’ont rendue patente les émeutes de 2005 et la mort de deux jeunes à Villiers-le-Bel, au nord de Paris, en novembre 2007. Finalement, l’ancienne habitante de Herbet (une cité périphérique de Clermont-Ferrand, dans le centre de la France, où ses parents, analphabètes, vivent encore) n’en aura esquissé que les trois grandes lignes : désenclavement, accès à l’emploi et réussite éducative. Le reste, fruit de cinq mois de consultations sur Internet et de trois cents « rencontres territoriales », sera révélé par Sarkozy, le 8 février. « Cet engagement présidentiel m’a touchée », a déclaré celle qui s’est pourtant fait voler la vedette.

Ancienne adhérente du Parti socialiste, elle a voté pour Ségolène Royal en mai dernier et assure qu’elle ne donnera pas sa voix à Sarkozy en 2012. La fondatrice, en 2003, de « Ni putes ni soumises » ne cherche visiblement pas à entrer dans le sérail politique parisien. Ou alors, ?l’anti-Rachida Dati s’y prend très mal. En octobre, elle s’insurge contre le recours aux tests ADN en s’exclamant que « l’instrumentalisation de l’immigration, c’est dégueulasse ! » Il y a mieux pour être bien en cour. Un mois plus tôt, elle qualifiait elle-même son plan pour les banlieues de « plan antiglandouille ». Un représentant de la République doit tout de même soigner son langage, lui fait remarquer le chef du gouvernement, François Fillon. Son franc-parler a au moins le mérite de plaire aux Algériens.
Titulaire d’un simple certificat d’aptitude professionnelle (CAP) d’employée de bureau, quand ses confrères affichent des curriculum vitae à rallonge, l’élue au conseil municipal de Clermont-Ferrand n’a pas succombé aux charmes des attributs du pouvoir. Elle vit toujours dans un 54 mètres carrés d’une habitation à loyer modéré (HLM) du 13e arrondissement, dédaignant un appartement de fonction dans les beaux quartiers, avec vue sur la tour Eiffel. Tout juste consent-elle à monter dans la Peugeot 607 officielle.
Côté gouvernemental, l’électron libre Amara ne fait pas vraiment l’unanimité. Sa ministre de tutelle, Christine Boutin, catholique assumée et chantre de la famille traditionnelle, se serait volontiers dispensée de voir sa subordonnée, qui se définit comme une « femme de gauche, militante laïque et féministe », lui faire de l’ombre. D’aucuns saluent les intuitions de « Fadela », sa connaissance du terrain et son sens du contact avec les habitants des banlieues. Mais les mêmes déplorent son ignorance des rouages ministériels et l’érigent en preuve vivante des limites de la politique d’ouverture de Nicolas Sarkozy. Peut-être la petite fille qui se rêvait danseuse étoile a-t-elle eu raison de ne pas prendre goût aux fastes de la République : son éventuel départ du gouvernement au lendemain des municipales n’en sera que moins douloureux. Côté cités, il lui faudra toutefois réussir à se faire pardonner d’avoir fait équipe avec « l’homme du Kärcher ».

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