Bockel persiste et signe

Jean-Marie Bockel, le secrétaire d’État français à la Coopération, a, le 15 janvier, jeté un pavé dans la mare des relations franco-africaines, dont il a réclamé la refonte (voir J.A. n° 2454). Quelles ont été les conséquences de ce « coup de sang » ?

Publié le 4 février 2008 Lecture : 3 minutes.

Jeune Afrique : Votre sortie spectaculaire sur la mort nécessaire de la Françafrique n’a pas fait que des heureux. Les présidents Bongo Ondimba, Sassou Nguesso et Biya s’en sont émus et l’ont fait savoir à l’Élysée
Jean-Marie Bockel : Il y a eu, en effet, quelques coups de fil. Mes déclarations ne contenaient aucune critique ad hominem, mais je peux comprendre qu’elles aient suscité quelques incompréhensions. Je compte revoir le président gabonais et m’expliquer franchement avec lui. Le président Biya a passé – ou fait passer – un coup de téléphone de vérification, sans plus. Quant au président Sassou Nguesso, je lui ai fait transmettre le message que j’étais à sa disposition. Cela dit, je ne retire rien du fond de mes déclarations du 15 janvier. Je ne vois pas, par exemple, comment je pourrais signer avec tel ou tel pays un accord de coopération qui ne prendrait pas en compte ce que j’ai dit à propos du bon usage de la rente pétrolière, de la transparence et de l’efficience.

Il ne s’agissait donc pas d’un simple effet d’annonce.
En aucun cas. Je suis quelqu’un de réaliste, je prends en compte les intérêts et les amis traditionnels de la France. Je ne suis pas un intégriste de la transparence, mais je ne peux pas avoir dit mes quatre vérités, après mûre réflexion, et faire ensuite comme si de rien n’était.

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Quel écho vos déclarations ont-elles suscité en Afrique ?
Très encourageant au niveau des sociétés civiles, des médias, des étudiants, des cadres. J’ai eu beaucoup de remontées. Des ministres européens m’ont également félicité. Mais aucun chef d’État africain.

Et le président Sarkozy ?
Il s’est exprimé, de façon très positive, à l’occasion de ses vux au corps diplomatique, le 18 janvier. Entre-temps, j’avais eu au téléphone Bernard Kouchner, Claude Guéant et Catherine Pégard. Aucun d’eux ne m’a fait le moindre reproche. Il n’empêche : je ne m’attendais pas à ce que le président consacre tout un paragraphe au thème de « l’Afrique a changé, et la relation de l’Afrique avec la France doit aussi changer ». Puis annonce qu’il me confiait la mission de réfléchir à une action plus proche de la société civile et de la jeunesse africaines. Et pour cause : ce dernier point ne figurait pas dans la mouture originelle de son discours. Lorsqu’il a dit cela, Kouchner, Rama Yade, Jean-Pierre Jouyet et moi-même avons échangé un sourire entendu. Je ne pouvais espérer mieux.

C’est un retour à l’esprit du discours de Cotonou.
Tout à fait. Et je pense que l’allocution qu’il prononcera à l’occasion de son prochain voyage en Angola et en Afrique du Sud ira dans le même sens.

Qui va l’écrire ? Henri Guaino ?
La méthode de travail implique le conseiller diplomatique Jean-David Levitte et son équipe et, à travers eux, le Quai d’Orsay et la Coopération. On dialogue, on nourrit le projet. Puis Guaino intervient.

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Serez-vous du voyage ?
Je n’imagine pas ne pas en être. D’autant que je l’ai préparé.

Outre la mauvaise gouvernance et l’opacité financière, vous avez fustigé la persistance de réseaux parallèles. Avez-vous été entendu ?
Plus nous progresserons sur la voie de la transparence et de la bonne gouvernance, moins ce qui reste des fameux réseaux trouvera d’espace pour polluer la relation entre la France et l’Afrique. Tout est donc lié. Je ne suis pas contre les émissaires, disons, parallèles ; je sais que le secret est parfois nécessaire. Mais ils doivent être clairement et officiellement mandatés.

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Soyons précis. Est-ce que le tropisme « africain » de Patrick Balkany, le député-maire de Levallois, vous pose problème ?
À titre personnel, non. Lors de mes voyages sur le continent, je n’ai jamais rencontré la moindre trace gênante du tropisme dont vous parlez. Je sais faire la part des choses entre ce qui relève des amitiés anciennes du président, de ses camaraderies de jeunesse, et le reste. D’autant que Nicolas Sarkozy est quelqu’un de parfaitement lucide là-dessus et que, autour de lui, nous veillons à ce que nul ne puisse se prévaloir de son amitié dans des buts malsains. Claude Guéant, à qui j’en ai parlé, est formel là-dessus : lorsqu’il voyage sur le continent, Patrick Balkany n’est pas mandaté par l’Élysée. Il n’y a donc pas de problème Balkany.

Les réseaux dont vous parlez se réduisent aujourd’hui à deux ou trois personnes
Plus que cela. J’en connais au moins six ou sept. Ce qui est inadmissible, c’est la double casquette. Quand on est rémunéré par un chef d’État africain, on ne peut pas prétendre se mêler de la politique africaine de la France.

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