A quoi sert le sommet de l’OCI

Dernière ligne droite avant la réunion de l’Organisation de la conférence islamique (les 13 et 14 mars à Dakar). Un événement d’envergure pour le pays, qui compte bien utiliser cette opportunité pour accélérer son développement.

Publié le 4 février 2008 Lecture : 6 minutes.

Le 11e sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) se tiendra bel et bien à Dakar, les 13 et 14 mars 2008. Telle est la conviction affichée par les autorités sénégalaises après la visite, les 21 et 22 janvier, du secrétaire général de l’organisation, Ekmeleddin Ihsanoglu. Les informations véhiculées par la presse locale faisant état d’une éventuelle annulation, en raison de supposées menaces terroristes et du non-achèvement des chantiers en cours, avaient fini par semer le doute. Après deux jours d’entretiens, notamment avec le chef de l’État Abdoulaye Wade, le responsable de l’OCI s’est déclaré satisfait par l’avancée des préparatifs. Quelques jours auparavant, le ministre sénégalais des Affaires étrangères, Cheikh Tidiane Gadio, avait convié les ambassadeurs et représentants au Sénégal des États membres de l’OCI. « La solidarité islamique ne doit plus se traduire en termes de charité, mais de développement économique », a-t-il déclaré. Le Sénégal – seul pays d’Afrique subsaharienne à avoir été désigné deux fois pour abriter un sommet, après une première en 1991 – est fin prêt pour recevoir les plus hautes autorités du monde musulman et pour « jouer un rôle majeur dans la définition de nouvelles orientations résolument tournées vers la croissance économique », a conclu le chef de la diplomatie sénégalaise.
Le pays se prépare à l’événement depuis près de quatre ans. Au lendemain du démarrage des premiers chantiers, le président Wade a clairement affiché sa volonté de doter le pays d’infrastructures de qualité pour favoriser son développement. « Le Sénégal doit disposer d’installations de dernière génération et proposer un hub de référence sur le continent », a coutume d’affirmer le « président bâtisseur ». « Le sommet a été une opportunité en termes de financements. Il a servi de catalyseur et d’accélérateur. Depuis l’indépendance, en 1960, très peu d’investissements avaient été réalisés », explique Madior Sylla, de l’Agence nationale de l’OCI (Anoci), la structure en charge de l’organisation des chantiers du futur sommet. Elle est présidée par Karim Wade, le fils du chef de l’État.

95 % des fonds venus du privé
Les travaux engagés ont un coût. Le montant des investissements mobilisés avoisine les 340 milliards de F CFA (500 millions d’euros). L’apport du Sénégal couvre 5 % de ces dépenses. Les privés et les bailleurs – venus pour la plupart des pays du golfe Arabo-Persique – interviennent respectivement à hauteur de 20 % et 75 %. Cette somme englobe l’ensemble des travaux, et la solidarité islamique a joué à plein. Un peu trop, estime le Fonds monétaire international (FMI), qui tire la sonnette d’alarme sur le dérapage des dépenses publiques. Elles ont représenté 27 % du PIB en 2007 contre 19 % en moyenne sur la période 1997-2002. « Certes, la facture pétrolière explique pour une large part cette augmentation, mais les grands travaux ont évidemment une incidence sur le Trésor public. Et on peut s’interroger sur les priorités budgétaires. L’agriculture et l’éducation sont des leviers de développement tout aussi efficaces que les hôtels cinq étoiles ! » avance un fonctionnaire international.
La principale priorité des autorités sénégalaises est justement de faire de Dakar une véritable capitale du tourisme d’affaires avec 1,5 million de voyageurs par an dès 2010, contre 700 000 actuellement. Le projet de l’Anoci comporte la réalisation de six hôtels haut de gamme comprenant suites présidentielles et salles de conférences. Les promoteurs hôteliers sont sénégalais (Theylium, Terrou Bi), espagnols (Tegecovi et sa filiale sénégalaise Baobab Investment, Mixta Africa), et koweïtien (Al Kharafi). Leurs investissements tournent autour de 240 milliards de F CFA et ils ont permis la création de 4 500 emplois. L’ouverture des nouveaux complexes fera passer la capacité hôtelière de Dakar de 3 572 à plus de 5 000 chambres. Le tourisme est déjà l’un des secteurs porteurs de l’économie du pays. En 2006, les recettes se sont élevées à 306,2 milliards de F CFA, ce qui représente un poids global (direct et indirect) de 6,6 % du PIB. Doubler ces résultats d’ici deux à trois ans couvrira en grande partie les investissements réalisés pour le congrès de l’Anoci : « Le taux de remplissage d’un quatre étoiles à Dakar étant en moyenne de 70 %, il faudra environ cinq ans pour que les privés amortissent leurs investissements », explique le responsable de la Division des infrastructures immobilières de l’Anoci, Cheikh Ibrahima Gaye.

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40 km de routes à achever
La seule augmentation de la capacité hôtelière ne suffit pas à la valorisation du secteur, souligne toutefois un agent du ministère du Tourisme. « L’État doit renforcer son budget de promotion, qui est de 1 milliard de F CFA par an, et surtout diversifier les marchés. Aujourd’hui, les principaux visiteurs sont français. » Pour sa part, le président du syndicat patronal de l’industrie hôtelière au Sénégal, Mamadou Racine Sy, considère que la baisse de la TVA de 18 % à environ 10 % est une condition essentielle à l’optimisation de cette activité. « Le Sénégal a également la possibilité de développer un tourisme balnéaire », ajoute un observateur, prenant exemple sur les Canaries voisines qui accueillent 13 millions de personnes par an. Le sommet de l’OCI peut être l’occasion de découvrir les charmes du pays de la Teranga (« hospitalité », en wolof). Et donner envie d’y revenir
Deuxième priorité liée au sommet, les aménagements routiers. Ils portent sur une quarantaine de kilomètres et concernent onze tronçons à travers la capitale sénégalaise. Plus de 100 milliards de F CFA ont été investis dans ces aménagements, qui devraient rapidement être rentables : « Les pertes économiques liées à l’engorgement de la ville dépassent les 100 milliards de F CFA par an, selon une étude de la Banque mondiale », commente l’Anoci. La plus grande partie du financement est assurée par le Fonds saoudien de développement, le Fonds koweïtien et la Banque islamique de développement. L’État du Sénégal a, pour sa part, injecté 16,4 milliards de F CFA. Malgré la participation de la société koweïtienne MAK, les travaux sont essentiellement réalisés par des entreprises locales (la CDE, la Compagnie sahélienne d’entreprises – CSE – et Eiffage Sénégal, ex-Fougerolle, réunies au sein d’un consortium). Toutefois, certains axes sont encore inaccessibles. À moins de deux mois du sommet, quelque 4 000 personnes s’activent sans relâche sur les chantiers. Le directeur exécutif de l’Anoci, Abdoulaye Baldé, affirme que les travaux seront achevés avant la fin de février. La réouverture partielle, il y a quelques mois, de la Corniche Ouest – qui contourne Dakar le long de la côte – a déjà permis aux Dakarois de réaliser qu’il est possible de se rendre dans le centre-ville en quinze minutes, alors qu’il fallait souvent plus d’une heure pour parcourir la dizaine de kilomètres qui séparent le quartier administratif du Plateau à la périphérie de la capitale. « Une meilleure mobilité urbaine sera un bon argument pour convaincre hommes d’affaires et investisseurs de venir au Sénégal », ajoute-t-on du côté de l’Anoci.
Durant le sommet, la cohorte de chefs d’État et de souverains, accompagnés par d’imposantes délégations, circulant sirènes hurlantes, risque fort de mettre à mal la fluidité de la circulation. Environ 5 000 participants sont attendus à Dakar pour un séjour de trois jours en moyenne. Selon les prévisions, chacun déboursera quotidiennement environ 200 000 F CFA pour l’hébergement, la restauration, le transport, les communications Ces dépenses devraient ainsi rapporter au Sénégal 4 milliards de F CFA.

Les enjeux de l’après-sommet
C’est bien peu au regard des investissements consentis et, à ce jour, aucune étude n’a permis d’évaluer l’impact direct de l’événement sur la croissance économique du pays. Elle devrait atteindre 5,7 % en 2008 selon le FMI, contre 5,1 % l’année dernière. « Les retombées du sommet se verront à moyen et à long terme grâce aux investissements en infrastructures routières et hôtelières. Et puis, il y a surtout les retombées indirectes. Le Sénégal a élargi ses relations diplomatiques avec les pays membres de l’OCI. En outre, certains projets structurants ont été accélérés », explique Madior Sylla, faisant allusion à la prochaine zone économique spéciale intégrée (Zesi). L’exploitation et le développement de ce centre d’affaires étendu sur 650 hectares ont été confiés au groupe émirati Jebel Ali Freezone. La convention a été signée le 21 janvier dernier et prévoit des investissements de 400 milliards de F CFA. À quelques encablures de là, c’est le groupe de BTP saoudien Ben Laden qui a obtenu la construction du prochain aéroport international Blaise-Diagne pour plus de 120 milliards de F CFA. Au port de Dakar, enfin, Dubai Port World (DP World) a soufflé, sur appel d’offres, la concession du terminal à conteneurs, en octobre dernier, au groupe Bolloré, présent au Sénégal depuis quatre-vingts ans. Le Sénégal a donc su trouver les arguments pour séduire les investisseurs venus du Golfe. Le sommet de l’OCI fait partie de ses atouts charme.

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