Ali Baddou

À 33 ans, ce Marocain de bonne famille est déjà une star de la radio et de la télé françaises. Et une figure du Tout-Paris. Un bel avenir s’ouvre devant lui.

Publié le 4 février 2008 Lecture : 5 minutes.

Bien sous tous rapports, cet homme-là ! Études brillantes, bonne éducation, sourire radieux, carrière fulgurante et emploi du temps à faire pâlir de jalousie un ministre Tout juste pourrait-on reprocher à Ali Baddou un soupçon de fausse modestie. Voire – défaut bien parisien – un zeste de snobisme. Depuis 2006, il anime l’émission « Les Matins », la tranche d’informations de 7 heures à 9 heures sur France Culture. Il est également, depuis quelques mois, chroniqueur littéraire dans « Le Grand Journal » de Canal Plus. Comment trouve-t-il encore le temps d’enseigner la philosophie à Sciences Po ?
Son apparence décontractée – jeans, baskets et pull en laine – ne doit pas faire illusion : à 33 ans, Ali Baddou est déjà un professionnel aguerri, au discours parfaitement rodé. Ce n’est pas son seul paradoxe : lui qui se présente volontiers comme un incurable paresseux se lève tous les jours de la semaine à 4 h 30 du matin

Ascendance prestigieuse
Ali Baddou est né le 28 février 1974 dans le 14e arrondissement de Paris. Du côté de son père, sa famille est originaire de Meknès. Sa famille maternelle est de Fès. Ascendance prestigieuse l’un de ses grands-pères fut directeur du protocole de feu Mohammed V. Son père et son oncle sont diplomates et Yasmina, sa cousine, est ministre de la Santé dans le gouvernement d’Abbas El-Fassi. « Mon histoire familiale est très présente », soupire-t-il, comme pour s’excuser.
Tout commence en 1952 lorsque ses deux grands-pères, l’un et l’autre grandes figures de l’Istiqlal et militants pour l’indépendance du Maroc, se retrouvent, trois ans durant, incarcérés dans la même cellule. À leur sortie, ils sont inséparables. Leurs familles se fréquentent assidûment et un mariage consacre bientôt l’étroitesse de ces liens. Celui des parents d’Ali.
Ancien élève du lycée Henri-IV, normalien et agrégé de lettres modernes, Ali débute à 23 ans une carrière d’enseignant. Sa première nomination le conduit à Saint-Denis, dans la proche banlieue parisienne, où il remplace au pied levé, l’avant-veille de la rentrée, un collègue indisponible. Par la suite, il officiera dans un lycée lyonnais, puis à Sciences Po Paris. « J’adore enseigner, dit-il. C’est le fil rouge de tout ce que j’entreprends. » Un fil rouge pas toujours facile à suivre dans sa carrière quelque peu vagabonde
Sa première apparition publique remonte à 1996, lors des obsèques de François Mitterrand. Ali Baddou est à l’époque le compagnon de Mazarine Pingeot, la « fille cachée » de l’ancien président français.
Depuis, le jeune homme a fait du chemin. « Je ne dois rien à personne », tranche-t-il, comme pour tordre le cou à la rumeur. On a en effet beaucoup glosé sur d’hypothétiques coups de pouce dont il aurait bénéficié de la part des réseaux mitterrandiens. Sa relation avec Mazarine ? Une « histoire d’amour comme il y en a tant », élude-t-il. On comprend qu’il ne souhaite pas s’appesantir. Glissons donc
En 2000, las du monde académique, qu’il juge « trop fermé et sclérosé », il prend un virage à 180 degrés. Sur les conseils d’une amie, Anne Auchatraire, qui travaille à l’Assemblée nationale et a été la conseillère du dirigeant socialiste Laurent Fabius, il entre au cabinet de Jack Lang, alors ministre de l’Éducation nationale. Mais, précise-t-il, « je n’ai jamais pris la carte d’aucun parti, je ne suis pas militant dans l’âme ».
Jusqu’à 2002, il est chargé d’un dossier sensible : l’ouverture du recrutement de Sciences Po aux élèves des zones d’éducation prioritaire (ZEP). Pourtant, le combat pour la reconnaissance des « minorités visibles » n’est pas vraiment son truc. Il carbure plutôt au mérite. « Mon parcours est logique. Pourtant, à chaque nomination dont je bénéficie, j’entends dire dans mon dos que mes origines marocaines ont joué en ma faveur. »
En 2003, par l’intermédiaire de Nicolas Demorand, son condisciple à Normale Sup’ (« mon frère », dit-il), qui anime à l’époque « Les Matins » de France Culture, Baddou intègre l’équipe de la très élitiste radio publique et devient chroniqueur dans « Tout arrive », de Marc Voinchet, puis producteur du « Rendez-vous des politiques ». « Tout a commencé par hasard. Un jour, j’ai rendu visite à Nicolas, en studio. J’ai adoré l’ambiance et j’ai fini par le remplacer pendant ses vacances. » Lorsqu’on vient du monde universitaire, réussir une aussi spectaculaire reconversion ne va pas de soi. « Il faut de la chance, mais aussi beaucoup, beaucoup de rigueur et de travail », commente l’intéressé.

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Equilibriste entre deux rives
Dans le même temps, il se rapproche du monde de la télévision et se retrouve dans « Permis de penser », l’émission de Laure Adler sur Arte, puis dans « Field devant le poste », sur Paris Première. Petit à petit, il se fait une place dans le paysage audiovisuel français, mais continue de jouer les équilibristes entre les deux rives de la Méditerranée. En 2005, il coanime avec Choumicha, une présentatrice vedette de la chaîne 2M, le Sidaction marocain.
Au fait, comment est-il perçu dans le pays de ses ancêtres ? Et que pense sa famille de sa réussite outre-mer ? « Les miens ne regardent pas la télévision, je crois qu’ils n’ont la parabole que depuis peu. Mais, bien entendu, presque par principe, ils sont fiers de leur fils. » Il n’a pas abandonné l’idée d’un éventuel retour au pays, mais ce n’est pas une obsession. « Je me lève tous les matins très tôt, à Paris, pour rejoindre le studio où un micro m’attend. Et je ne pense qu’à ça. » S’implique-t-il dans la vie politique du royaume ? « Au moment de la mise en place du gouvernement d’alternance, en 1998, certains de mes amis ont rejoint des cabinets ministériels. J’ai eu, moi aussi, des contacts, mais j’ai finalement fait un autre choix. »
En septembre 2007, Michel Denisot et Renaud Le Van Kim, les producteurs du « Grand Journal », lui proposent de les rejoindre. Baddou hésite. Surtout « pour des raisons d’organisation et d’horaires ». Puis il se jette à l’eau. « J’étais curieux de savoir dans quelle mesure il est encore possible de parler de culture et de livres à la télévision. »
Aux jaloux, ceux qui tentent d’expliquer son succès par l’instauration de quotas « ethniques » dans les médias audiovisuels, il répond : « À la radio comme à la télévision, c’est le public qui vous suit et vous soutient. Chaque jour, il vous apporte la preuve que vous méritez votre place. C’est rassurant. »
Un homme bien sous tous rapports, sans doute, mais toujours en quête de légitimité.

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