Une diplomatie en devenir

Autrefois réputé pour son atlantisme, Lisbonne est devenu un ardent militant de la cause communautaire. Un choix qui s’accompagne d’un renforcement du dialogue et des échanges avec l’Afrique.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Par bonheur, il arrive que de graves erreurs politiques n’entraînent que de faibles préjudices. C’est ce qui est arrivé au Portugal lorsque son ancien Premier ministre, l’actuel président de la Commission européenne José Manuel Durão Barroso, a soutenu l’invasion de l’Irak menée par les États-Unis dans la nuit du 19 au 20 mars 2003. La ferme opposition du président de la République, le socialiste Jorge Sampaio, a évité que la crédibilité de la diplomatie portugaise ne soit sérieusement écornée : seuls 128 gendarmes (et non soldats) portugais ont été envoyés en Irak, et ils ont été rapatriés dès février 2005, juste après les élections irakiennes. D’ailleurs, moins de quinze jours plus tard, le Parti social-démocrate (PSD) de Barroso subissait une défaite historique face au Parti socialiste (PS) de José Socrates.
En devenant chef du gouvernement, celui-ci met immédiatement un bémol à l’atlantisme traditionnel de la diplomatie portugaise. Il prend, au sujet du nucléaire iranien, le contre-pied des néoconservateurs américains en appuyant sans hésitation la position de l’Union européenne et du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), Mohamed al-Baradei. Ce qui ne l’empêche pas de se pencher sur les problèmes de sécurité, bien au contraire.

Euro-activiste
Le renforcement de la Politique européenne de sécurité et de défense (PESD) est un des fondements actuels de la diplomatie portugaise. Celle-ci milite pour une coopération plus étroite de l’UE avec les grandes instances internationales dans les domaines de gestion de crise. Lisbonne souhaite également renforcer le rôle de l’Europe dans le règlement du problème israélo-palestinien, ne serait-ce que pour débloquer la politique euro-méditerranéenne. Car les questions de sécurité constituent un thème récurrent du dialogue du Portugal avec le Sud, notamment dans le cadre d’Euromed. Et ce n’est pas tout : les Portugais mettent en uvre depuis plus de vingt ans des programmes de coopération militaire avec les « pays africains de langue officielle portugaise » (Palop).
En matière de développement, la politique portugaise a fait de gros effort mais, tributaire de moyens limités, elle reste elle-même en construction ! Depuis les années 2000, l’économie portugaise est en net ralentissement – jusqu’à connaître une année de récession en 2003. Et le déficit de ses finances publiques atteignant 6 % de son PIB à la fin de l’année 2005, le Portugal a bien du mal à répondre aux engagements contractés au sein de l’UE dans le cadre des Objectifs du millénaire pour le développement. Ceux-ci visent notamment à porter l’aide publique au développement (APD) à 0,51 % du revenu national brut (RNB) en 2010 et à 0,7 % en 2015, alors qu’en 2005, elle ne se situait qu’à 0,21 % (soit 367 millions de dollars). En outre, si l’aide portugaise concerne majoritairement l’Afrique subsaharienne (et en priorité les cinq pays lusophones), elle demeure surtout interétatique, et les ONG en sont le parent pauvre. De même, les projets liés à la gouvernance sont en très nette progression, mais l’aide à la réduction de la pauvreté, par le financement d’infrastructures et de services sociaux, n’a constitué que 2,5 % à 2,8 % de l’aide bilatérale totale entre 2000 et 2004. Durant la même période, les deux enveloppes principales de l’aide bilatérale portugaise ont été consacrées aux allègements de dette et à la coopération technique.

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Partenariat avec le Maroc
Reste que son aide bilatérale, qui se préoccupe de gouvernance sans heurter la sensibilité de ses partenaires africains, permet au Portugal de stimuler énergiquement sa coopération économique avec l’Afrique. Ses rapports avec le Maghreb sont très bons, en particulier avec le Maroc : une conférence des chefs d’État se tient chaque année entre les deux pays et Lisbonne soutient activement la volonté de Rabat d’obtenir un partenariat renforcé avec l’UE. Cependant, c’est dans les Palop que la diplomatie économique du Portugal déploie l’activité la plus intense : profitant d’un avantage historico-linguistique, les grandes entreprises portugaises se mesurent à la concurrence internationale pour renforcer leur influence, voire l’étendre à certains pays voisins. Elles sont particulièrement présentes dans la banque BPI (BCP Millenium), dans l’énergie (Galp), les télécoms (Portugal Telecom et sa branche rassemblant toutes ses participations africaines, Africa Holding), ainsi que dans les équipements industriels, les chantiers navals et les travaux publics (Mota-Engil et Soares da Costa, par exemple).
Mais c’est surtout l’Angola, en passe de devenir le premier producteur subsaharien de brut (et dont le Portugal est déjà le deuxième fournisseur derrière les États-Unis), qui suscite des convoitises : lors du voyage officiel du Premier ministre portugais à Luanda, en avril 2006, celui-ci était accompagné de 80 chefs d’entreprise et hommes d’affaires représentant un tiers du PIB portugais Bref, s’il y a bien une nation d’Europe qui semble compter sur l’avenir économique des pays africains – tout au moins sur celui de certains d’entre eux -, c’est bien le Portugal de Socrates !

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