Un autre Sud

Le festival Cinamazonia s’est tenu du 22 au 27 novembre en Guyane. Une occasion de rappeler les difficultés de la production de la France d’outre-mer.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Alors que la littérature et la musique des départements et territoires français dits d’outre-mer, notamment de la Guadeloupe et de la Martinique, sont largement connues, il n’en est pas de même pour le septième art. Et c’est l’ambition de la biennale Cinamazonia, qui s’est déroulée du 22 au 27 novembre dans les principales villes de Guyane – Cayenne, Kourou, Saint-Laurent-du-Maroni -, que de tenter de réparer cet oubli. À l’appui, projections de films et manifestations en tout genre : un hommage à Sembène Ousmane, une leçon de cinéma du réalisateur du Fleuve et du Sourire du serpent, Mama Keita, une présentation du documentaire de Nouvelle-Calédonie, Tjibaou, le pardon, sur l’émouvante réconciliation entre la famille du leader indépendantiste kanak et celle de son assassin, etc.
Dès l’ouverture de la troisième édition du festival est apparu au grand jour ce qui symbolise le mieux les difficultés que doivent affronter ces cinématographies : comme il était impossible de programmer à cette occasion un long-métrage ultramarin tourné depuis la dernière édition du festival en 2005, faute de candidat, c’est le film du Guinéen Cheikh Fantamady Camara, Il va pleuvoir sur Conakry, prix du public du Fespaco 2007, qui a été projeté en avant-première de sa sortie française en février 2008.
Les deux derniers longs-métrages de fiction réalisés dans la région – l’un en Martinique, l’autre en Guadeloupe – et sortis en salles datent en effet de 2004. Tous deux, Biguine de Guy Deslauriers et Nèg Maron de Jean-Claude Flamand Barny, ont été remarqués par la critique, le second, produit par Mathieu Kassovitz, ami du réalisateur, connaissant même un vrai succès, avec 700 000 spectateurs. Ils faisaient d’ailleurs suite à une longue série de films – 18 longs-métrages pour la Guadeloupe, 7 pour la Martinique – qui ont souvent tenu le haut de l’affiche. Six d’entre eux ont dépassé 400 000 entrées en France – soit, par exemple, deux fois plus que Bamako, le meilleur score récent du cinéma africain – et deux ont même été très au-delà : 1,6 million d’entrées pour Une saison blanche et sèche, avec la présence à l’écran de Marlon Brando, et 800 000 pour Rue Cases Nègres, tous deux réalisés par la Martiniquaise Euzhan Palcy.

Nouveau souffle
Malgré le creux actuel de la production, tout indique que de telles réussites ne seront pas sans lendemain. Car, a-t-on appris à Cayenne, plusieurs longs-métrages s’apprêtent à prendre le relais. Christian Lara, l’auteur de Sucre amer, termine la postproduction d’un nouveau film intitulé Héritage perdu. Et s’affaire déjà à financer son prochain projet, sur l’Antillaise Joséphine de Beauharnais. Quant à Guy Deslauriers, il devrait reprendre dans les semaines à venir le tournage interrompu en 2006 de Aliker, fondé sur l’histoire vraie du journaliste et syndicaliste du même nom assassiné par des Békés en Martinique à la fin des années 1950. De son côté, le Guyanais Marc Barrat s’apprête à réaliser le premier long-métrage de fiction de ce territoire, Orpailleur, avec Aïssa Maïga dans le rôle principal.
Mais on a pu constater, de surcroît, qu’à côté de ces cinéastes confirmés, il existe de talentueux auteurs de courts-métrages. On aura ainsi tout particulièrement apprécié le truculent Bons na rien (de Pélagie Serge Poyotte, Guyane), l’onirique Le Gardien (de Fabrice Pierre, Guadeloupe), l’amusant 24 heures de la vie d’un mort (premier film de fiction néo-calédonien des temps modernes, de Stéphane Baillet) ou la touchante tragi-comédie Monsieur Étienne (de Yann Chayia, Martinique). Des uvres prometteuses de jeunes réalisateurs que les deux organisatrices de Cinamazonia, Osange Silou-Kieffer et Yasmina Ho-You-Fat, imaginent capables de donner un nouveau souffle à la production ultramarine qui, paradoxalement, est fragile en raison même de son appartenance « administrative » au nord de la planète : elle est ainsi privée de la plupart des aides accordées aux cinémas du Sud, alors même qu’elle connaît les mêmes contraintes que ceux-ci.

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