Rupture des relations diplomatiques entre l’Égypte et cinq pays arabes

5 décembre 1977

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

« Toute vie perdue dans la guerre est celle d’un être humain, qu’il soit arabe ou israélien. Les enfants qui sont privés de leur père sont les enfants de chacun d’entre nous, en terre arabe ou en Israël, et nous avons le grand devoir de leur donner un présent heureux et un bel avenir. »
En s’adressant en ces termes à la Knesset, le 20 novembre 1977, le président égyptien Anouar al-Sadate a conscience de briser un tabou et de heurter la sensibilité des pays arabes. Il espère rompre une « barrière psychologique » qui disqualifie d’avance « toute action, toute initiative, toute décision » susceptible de rapprocher Arabes et Israéliens. Il espère, surtout, créer les conditions favorables à la signature d’un accord global avec Israël lors de la conférence sur la paix convoquée au Caire le 14 décembre.

La résistance arabe « progressiste » – appuyée par les Soviétiques, avec lesquels Sadate a rompu en 1972 – s’organise rapidement pour neutraliser et isoler l’initiative du président égyptien. La Libye, qui a connu quelques mois plus tôt de violents affrontements frontaliers avec l’Égypte, accueille, du 2 au 5 décembre, le sommet du Front du refus, qui réunit Mouammar Kadhafi (Libye), Houari Boumedienne (Algérie), Hafez al-Assad (Syrie), Yasser Arafat (OLP), ainsi que les représentants de l’Irak et du Yémen du Sud. La déclaration finale, à laquelle ne souscrit pas l’Irak, qui la juge trop timorée (elle ne condamne pas les résolutions 242 et 338 de l’ONU, laissant donc implicitement la porte ouverte à la négociation), accuse Sadate de « haute trahison » envers la « cause arabe », décrète le « gel des relations politiques et diplomatiques » avec Le Caire et appelle la Ligue arabe à se prononcer sur « la question de l’appartenance » de l’Égypte, qui sera exclue en 1979.

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Le même jour, Sadate annonce la rupture officielle des relations entre Le Caire et les cinq pays (plus l’OLP). Homme de défi, il veut aller jusqu’au bout et affirmer pleinement son indépendance par rapport aux « progressistes ». Pourtant, à Jérusalem, Sadate avait prévenu les députés israéliens que « la paix ne sera réelle qu’à condition d’être fondée sur la justice et non sur l’occupation des terres d’autrui » et insisté « sur un retrait total des territoires arabes, y compris Jérusalem-Est », ainsi que sur la création d’un « État palestinien ». Homme de foi, il s’en remet au jugement de Dieu. Et à celui de ses compatriotes.
Quelques mois auparavant, en janvier 1977, des émeutes motivées par la frustration et la misère font 44 morts et plus de 600 blessés au Caire. Mot d’ordre : « L’Égypte d’abord ! » Pour Sadate, simple fils de fellah, qui, le 18 juin 1953, a annoncé à la radio la fin de la monarchie, c’est un avertissement. Le choix est clair : voir l’Égypte sombrer dans le chaos ou prendre le risque d’une paix séparée avec Israël. Sadate choisit la seconde option. La guerre, même larvée, coûte trop cher au pays : les dépenses militaires absorbent environ 35 % du revenu national et presque 50 % du budget de l’État.
Mais plus que l’opposition « progressiste » arabe, c’est la mauvaise volonté israélienne qui ruinera le rêve de Sadate. Malgré l’occasion historique qui s’offre à lui, le Premier ministre israélien Menahem Begin choisit de jouer la carte de la division du monde arabe. Et ne fait aucune concession, vouant sciemment à l’échec la Conférence du Caire, à laquelle ne participe aucun pays arabe. Sauf l’Égypte, bien sûr, qui signera avec Israël les accords de Camp David le 17 septembre 1978 et un traité de paix séparée le 26 mars 1979, à Washington. Sadate verra son audace récompensée par le prix Nobel de la paix en 1978 et une rafale de mitraillette en 1981.

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