Regain d’intérêt pour la Guinée

S’appuyant sur le potentiel minier du pays, les autorités de Conakry veulent relancer l’économie. Et partent à la rencontre des opérateurs.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Bauxite, fer, or, diamant, nickel, uranium la Guinée peut compter sur un fabuleux potentiel minier pour sortir du marasme économique dans lequel elle est plongée depuis trop longtemps. « Véritable pactole » pour les uns, « scandale géologique » pour les autres, une chose est sûre : ce pays, qui possède les deux tiers des réserves mondiales – soit environ 25 milliards de tonnes – de bauxite, n’est pas à sa place au 160e rang du dernier indicateur du développement humain (IDH) dressé par le Programme des Nations unies pour le développement (Pnud). Plus de la moitié des 9,4 millions de Guinéens vivent dans la pauvreté, leur espérance de vie dépasse à peine 54 ans et, entre 2002 et 2006, le taux de croissance moyen du pays ne s’est établi qu’à 2,3 %, contre 4,2 % entre 1997 et 2002. Quant à l’inflation, elle est passée de 5,4 % en 2002 à 39,1 % en 2006 ! « En dépit de ses immenses potentialités en ressources naturelles, la Guinée reste l’un des pays les plus pauvres du monde », reconnaît le ministre de l’Économie, des Finances et du Plan, Ousmane Doré.
Pour autant, après plusieurs années de mauvaise gouvernance et de « graves dérapages », si l’on en croit le ministre, les signes d’amélioration se multiplient. Les partenaires au développement qui avaient cessé toute coopération en 2002 – devant l’enlisement de la situation politique et la gabegie dans la gestion des affaires de l’État – renouent avec Conakry, misant sur le gouvernement de Lansana Kouyaté, en poste depuis février 2007. À l’issue d’une nouvelle mission en octobre dernier, le Fonds monétaire international (FMI) a ainsi validé un accord préliminaire concernant un programme triennal qui doit être confirmé avant la fin de l’année par le conseil d’administration de l’institution. À la clé, une aide financière et l’annulation de la dette guinéenne, qui représente plus de 100 % du produit intérieur brut (PIB) du pays, et dont le service est passé de 166,7 millions de dollars en 2003 à 208,7 millions en 2006, soit près de 19 % des recettes d’exportation et 45,5 % des recettes budgétaires.
L’ensemble des bailleurs de fonds se sont par ailleurs engagés à hauteur de 400 millions de dollars pour financer un plan d’action pour la période 2007-2010. Parmi les dossiers qui seront traités en priorité : l’accès à l’eau, l’électricité, la santé, l’éducation, l’emploi et la sécurité alimentaire. Bref, tout ce qui manque actuellement à la Guinée « Le pays sort enfin des oubliettes », salue Ibrahima Fofana, le secrétaire général de l’Union syndicale des travailleurs de Guinée (USTG), dont l’organisation fut en première ligne lors des grèves générales de janvier et février derniers qui ont forcé le régime de Lansana Conté à sortir de son funeste isolement.

400 chefs d’entreprise à Paris
Plus marquant, et sans doute plus déterminant encore pour pérenniser le redressement économique encore embryonnaire du pays, le retour des investisseurs devrait se confirmer à l’occasion d’un forum « Investir en République de Guinée », qui se déroulera à Paris les 10 et 11 décembre prochain. En présence de Lansana Kouyaté, les représentants de quatre cents entreprises sont attendus. Objectif : les convaincre de passer à la vitesse supérieure et leur présenter le potentiel économique du pays.
À ce sujet, les dernières statistiques concernant l’activité guinéenne arrivent à point nommé. En constante progression, les investissements directs étrangers (IDE) sont passés de 83 millions de dollars en 2003 à 108 millions en 2006, selon la Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement (Cnuced). Et encore, ce n’est là qu’un détail par rapport à ce qui se profile. D’ici à 2015, près de 30 milliards de dollars doivent être mobilisés, notamment dans l’énergie, les transports et, surtout, les mines. Sur les 66 permis de recherche et les 25 compagnies qui ont déjà signé des accords de prospection ou de production, les plus grandes majors sont sur les rangs.
Ainsi, le numéro un mondial du secteur, BHP Billiton, est présent à hauteur de 33,3 % sur le gigantesque projet de l’usine d’alumine de Sangaredi, dans l’ouest du pays, en partenariat avec Global Alumina (33,3 %) et deux sociétés émiraties, Dubaï Aluminium et Mubadala (33,3 %). Le montant du programme est, à ce jour, estimé à plus de 3 milliards de dollars. Le début de la production est, lui, attendu pour 2010 ; 3,2 millions de tonnes d’alumine devraient alors être produites chaque année. « Global Alumina a annoncé son retrait du joint-venture, et des discussions sont en cours avec Mitsubishi, qui reprendrait les parts, explique un spécialiste. Le groupe japonais ayant déjà des partenariats avec BHP Billiton au Mozambique et en Afrique du Sud, la pertinence de Sangaredi s’en trouverait renforcée. Qui plus est, les besoins d’alumine sont considérables à travers le monde. » Pour lui, pas de doute, la Guinée – déjà deuxième exportateur mondial de bauxite – peut devenir le poids lourd incontesté de la planète aluminium.

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70 millions de tonnes de fer par an à partir de 2013
Actuellement, seule la société Alumina Company of Guinea (ACG-Rusal) de Fria, au nord de Conakry, transforme la bauxite et exporte 750 000 tonnes d’alumine par an. D’ici à 2009, ses capacités de production doivent passer à plus de 1 million de tonnes. Quant à la Compagnie des bauxites de Guinée (CBG) – filiale du groupe Alcan/Alcoa, rachetée en octobre dernier par le numéro trois mondial Rio Tinto -, si elle exporte depuis Sangaredi une moyenne annuelle de 13 millions de tonnes de bauxite brute, elle produira aussi, à partir de 2011, quelque 1,5 million de tonnes d’alumine. Elle doit construire une raffinerie près du port de Kamsar, pour un investissement estimé à 1,5 milliard de dollars.
L’autre minerai qui a la cote est le fer avec, à la manuvre, Rio Tinto. Le gisement de Simandou, dans le sud-est du pays, est tout simplement prodigieux avec ses 8 à 11 milliards de tonnes de réserves et une capacité d’extraction de 70 millions de tonnes par an prévue à partir de 2013. En y incluant la construction du chemin de fer devant relier la mine au futur port en eau profonde de Matakang, le coût global du projet oscillera entre 5 et 6 milliards de dollars. « Les financiers du groupe travaillent sur la question. Les fonds n’ont pas encore été mobilisés, mais, généralement, nous ne rencontrons pas de difficultés », admet Colin Harris, responsable des nouveaux projets en Afrique chez Rio Tinto, qui a affiché un bénéfice record de 7,9 milliards de dollars en 2006. Avant de poursuivre : « Nous sommes très optimistes pour la Guinée et nous avons d’autres projets en vue. » « Il est presque certain que ce pays possède du gaz et peut-être du pétrole », ajoute un expert. Le sous-sol guinéen n’a pas fini de susciter des convoitises. En espérant que cette générosité naturelle ne soit pas, cette fois, une malédiction

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