Raila Amolo Odinga
À presque 63 ans, Raila Amolo Odinga pourrait bientôt réaliser le rêve de sa vie : faire mieux que son papa. Ce dernier, Jaramogi Oginga Odinga, ne fut en effet « que » vice-président du Kenya, sous les ordres de Jomo Kenyatta, aux grandes heures de l’indépendance (1963). Les sondages donnent aujourd’hui à son fils une courte longueur d’avance sur son principal rival, Mwai Kibaki, dans la course présidentielle du 27 décembre prochain. Un moment que Raila Odinga attend depuis longtemps et qu’il a bien préparé. Il suffit de jeter un il sur le site Internet dédié à sa personne pour s’en convaincre. L’ancien ministre des Routes, des Travaux publics et du Logement du gouvernement de Kibaki y invite les Kényans à voter pour lui.
Raila Odinga est tombé très jeune dans le bouillon politique. Dès 1966, son père s’était violemment opposé aux choix de Jomo Kenyatta, puis à la dérive autoritaire du régime sous la présidence de Daniel arap Moi. Positions qui lui avaient valu quelques années de prison. Mauvais exemple paternel ? Le fiston n’a pas échappé aux joies des geôles kényanes. Soupçonné d’avoir participé à une tentative de coup d’État en 1982, il a été emprisonné sans jugement pendant six ans (1982-1988). Puis son combat en faveur du pluralisme politique lui a valu deux autres séjours derrière les barreaux et un exil en Norvège.
À son retour, les partis sont de nouveau autorisés et il rejoint celui de son père, le Forum for the Restoration of the Democracy in Kenya (Ford). En 1992, il est élu membre du Parlement. Un mandat qu’il conservera en 1997 et en 2002. En 1997, il termine troisième à la présidentielle, derrière arap Moi et Kibaki, et rejoint le camp ennemi, au pouvoir : la Kenya African National Union (Kanu). Il est nommé ministre de l’Énergie. En 2002, un nouveau personnage entre en scène : Uhuru Kenyatta, fils de Jomo Kenyatta, soutenu à bout de bras par Daniel arap Moi. C’en est trop pour le fils d’Oginga Odinga, qui organise avec succès la défection des caciques de la Kanu en faveur de la Coalition arc-en-ciel (Narc) et d’un candidat unique, Mwai Kibaki.
La victoire qui s’ensuit est belle : le pays étrenne sa première alternance. Pourtant, elle laisse à Odinga un goût amer. Le « Memorandum of Understanding » préalablement discuté avec Kibaki prévoyait un partage des pouvoirs entre les partis de la coalition (la National Alliance of Kenya et le Liberal Democratic Party), ainsi que l’adoption d’une nouvelle Constitution prévoyant un poste de Premier ministre fort. Cet accord n’a jamais été honoré et Odinga a vu s’envoler l’idée de devenir le premier Premier ministre du Kenya. Tacticien retors, il a en retour profité du référendum de novembre 2005 pour s’opposer à la nouvelle Loi fondamentale et prendre ses distances vis-à-vis de Kibaki – qui l’a limogé de son poste de ministre. Le Mouvement démocratique orange (ODM) est né de ces démêlés, et c’est aujourd’hui sur lui que s’appuie Odinga pour mener à bien sa campagne présidentielle.
Père de quatre enfants, marié à une femme très engagée en politique (Ida Odinga est présidente de la Ligue des femmes politiques au Kenya), Odinga aura entre autres adversaires le président sortant Mwai Kibaki et le leader d’une autre faction de l’ODM (l’ODM – Kenya), Kalonzo Musyoka. Mais, même s’il pense qu’une « nation dirigée selon des critères ethniques est une nation en guerre avec elle-même », il devra surtout se battre contre les tentations tribales des électeurs – c’est un Luo dans un pays à majorité kikuyue. Et assouplir son image. En un mot, l’homme que l’on dit cynique et autoritaire doit céder la place à un candidat plus consensuel. L’ancienne ministre de la Santé, Charity Ngilu, pourrait l’y aider, qui s’est engagée en faveur de l’ODM, au lendemain de son limogeage par Kibaki, et qui n’a pas hésité à comparer Raila Odinga à Nelson Mandela !
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