Qui sont les FDLR ?
Véritable nébuleuse installée dans l’est du pays, la force rebelle hutue menace de plus en plus la stabilité de la région. Et demeure insaisissable.
« Nous ne sommes pas concernés, personne ne nous a consultés. C’est à eux de voir comment ils vont mettre en uvre leur accord. De toute façon, nous n’attendons rien du Rwanda parce que cela fait sept ans qu’on lui tend la main et qu’il continue à la refuser. Nous n’attendons également rien de la République démocratique du Congo [RDC] car notre problème est avant tout rwandais. » La voix calme, Ignace Murwanashyaka, président des Forces démocratiques de libération du Rwanda (FDLR), mouvement rebelle rwandais installé dans l’est de la RDC, rejette l’accord signé le 9 novembre à Nairobi, au Kenya, entre Kinshasa et Kigali. Les deux pays veulent en finir avec ce groupe, « menace majeure pour la paix et la sécurité du Rwanda, de la RDC et de la région des Grands Lacs en général, ainsi que pour la population congolaise. » Mais qui sont ces FDLR ?
« C’est une nébuleuse, s’écrie Idesbald Byabuze, avocat à Bukavu [Sud-Kivu]. Il est difficile de savoir qui est FDLR et qui ne l’est pas. » Les informations sur les FDLR sont souvent contradictoires, les chiffres sur le nombre des combattants sujets à caution. Il n’en demeure pas moins vrai que cette structure politico-militaire trouve ses racines dans le génocide rwandais de 1994, dont l’une des conséquences fut l’afflux de centaines de milliers de réfugiés sur le territoire du Zaïre. Parmi eux, des civils, des militaires des Forces armées rwandaises (FAR), dont certains n’avaient rien à se reprocher, mais aussi les miliciens Interahamwe, qui avaient participé au génocide. Seul dénominateur commun : tous sont hutus.
Un groupe de « génocidaires »
En 1996, le Rwanda et la rébellion de Laurent-Désiré Kabila attaquent et détruisent les camps de ces réfugiés. Beaucoup sont tués. Quelques survivants s’enfuient dans les forêts du Kivu. D’autres parcourent des milliers de kilomètres pour se mettre à l’abri.
C’est en 1998, lors de la guerre du Rwanda et de l’Ouganda contre le Congo, que s’organise une force militaire hutue. Selon un rapport de l’ONG International Crisis Group, « le 10 août 1998, une délégation ex-FAR part pour Lubumbashi rencontrer le président Laurent-Désiré Kabila. [] Les négociations durent près d’un mois à Kinshasa, et le 10 septembre 1998 un gentlemen’s agreement est conclu. Trois hommes de confiance de Kabila ont négocié cette alliance entre le gouvernement congolais et les ex-FAR : Victor Mpoyo, Didier Kazadi Nyembwe et Mwenze Kongolo. Pour les ex-FAR, le premier objectif déclaré est d’éviter une nouvelle traque des réfugiés hutus encore présents sur le sol congolais et de s’accorder sur leur protection. » Une source militaire congolaise ajoute que « Fabien Fingawe, ex-ambassadeur du Rwanda en Suisse et beau-fils de feu Habyarimana, a été l’homme-orchestre » de ce rapprochement.
Kabila accorde à ses nouveaux alliés la logistique nécessaire pour l’aider à combattre Kigali. À partir de Kinshasa, une véritable force armée composée d’éléments des ex-FAR et de réfugiés hutus venus de plusieurs pays est constituée. Elle compte quelque 10 000 hommes et porte un nom : l’Armée de libération du Rwanda (Alir). Fin 1998, l’Alir dispose, sur le terrain, d’une brigade à Kamina et à Lubumbashi (Katanga), une autre à Mbuji-Mayi (Kasaï oriental) et deux bataillons à Mbandaka et Ikela (Équateur). Ses actions militaires sont appuyées, selon International Crisis Group, par l’aviation et l’artillerie zimbabwéennes et angolaises. D’autres troupes, entre 10 000 et 15 000 hommes, après une déroute dans le nord-ouest du Rwanda, s’installent dans le Masisi (Nord-Kivu) sous le commandement du général Paul Rwarakabije.
Mais déjà des dissensions se réveillent au sein de la rébellion hutue. Les insurgés présents à Kinshasa, qui ne veulent pas s’identifier à l’Alir, considérée comme « génocidaire », créent une structure militaire, le Comité de coordination de la résistance (CCR), constitué d’éléments disparates (ex-FAR, anciens miliciens, nouvelles recrues, etc.). Il s’ouvre à des personnalités en exil, comme Christophe Hakizabera, Ignace Murwanashyaka, Alexis Nshimyimana, Jean-Marie Vianney Higiro En mai 2000, après un congrès tenu à Nasho, au Kenya, le CCR devient FDLR et se rapproche de l’Alir, tout en lui demandant de condamner le génocide. En septembre 2000, les deux structures fusionnent.
Les FDLR ont toujours connu des turbulences : arrestation de certains dirigeants au Congo-Brazzaville et en Angola, défection de l’ancien chef d’état-major de sa branche armée, Paul Rwarakabije, rentré au Rwanda Les responsables politiques résident en Europe, à l’instar de leur président, Ignace Murwanashyaka, économiste de 44 ans, installé en Allemagne depuis 1989. La branche militaire du mouvement, les Forces combattantes Abacunguzi (Foca), compte entre 12 000 et 14 000 hommes, basés au Nord-Kivu et au Sud-Kivu. À quoi s’ajoutent, selon un responsable de la Mission des Nations unies en RDC (Monuc), « des dissidents et des bandits de grand chemin » qui terrorisent, rackettent et tuent les populations congolaises. C’est le cas du Rassemblement pour l’unité de la démocratie (RUD-Urunana) ou des Rastas. Les quartiers généraux se trouvent dans les forêts du Kivu où ils exploitent toutes les ressources disponibles.
Le gouvernement rwandais a toujours considéré les FDLR, qu’il appelle plutôt ex-FAR/Interahamwe, comme un groupe véhiculant une « idéologie génocidaire ». D’où son refus d’engager un quelconque dialogue avec elles et de négocier leur retour au pays. Jusqu’à présent, Kigali a toujours privilégié la solution armée, sans toutefois réussir à anéantir le mouvement. Si bien que certains se demandent comment le Rwanda et son voisin congolais parviendront à résoudre la difficile équation FDLR.
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