Covid-19 : les leçons d’une pandémie qui a relativement épargné l’Afrique
Retour sur deux ans d’un coronavirus dévastateur qui, contrairement aux prévisions, a finalement peu touché les populations du continent, même les plus âgées.
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Edmond Bertrand
Doyen honoraire de la faculté de médecine d’Abidjan, membre correspondant de l’Académie française de médecine
Publié le 12 février 2022 Lecture : 3 minutes.
Comme Yves Buisson, dans un article du Bulletin de l’Académie nationale de médecine daté de 2021, on peut se demander ce que l’on peut retenir à ce jour de la pandémie de Covid-19. L’apparition de maladies nouvelles est un « fait fatal » (C. Nicolle, 1934). Rappelons-nous : Sida 1983, Sras 2002, grippe H5N1 2003, chikugunya 2005, grippe H1N1 2009, Mers 2012, Ebola 2013, Zika 2015. Le Covid-19 a la particularité d’être très contagieux et mortel dans environ 2 % des cas. Heureusement, les chercheurs chinois, les premiers concernés en 2019 et 2020, ont rapidement identifié le virus SARS-Cov-2 et en ont publié le séquençage.
Vaccination, masques et eaux usées
De notre expérience actuelle, nous pouvons tirer plusieurs leçons. Par exemple que le port du masque est nécessaire pour se protéger du Covid-19 comme de toutes les maladies transmises par la projection de virus en parlant et, plus encore, en riant ou en toussant (grippe, bronchiolites, gastroentérite). Ou encore que le lavage des mains au savon est indispensable pour empêcher la transmission de SARS-Cov-2 et de tous les germes transmis par les mains sales.
En 1974, 90 millions de Brésiliens avaient été vaccinés en six mois contre la méningite dans une opération organisée par Léon Lapeyssonie et C. Mérieux.
L’intérêt de la vaccination apparaît évident. L’utilisation première de vaccins ARN messagers (ARNn) a été possible parce que la technologie était disponible et validée. D’autres vaccins à virus inactivés seront peut-être employés lorsqu’ils auront été développés. La vaccination obligatoire et organisée à grande échelle aurait été sans doute plus efficace. Rappelons-nous qu’en 1974, 90 millions de Brésiliens ont été vaccinés en six mois contre la méningite dans une opération organisée par Léon Lapeyssonie et Charles Mérieux.
Enfin, l’analyse des eaux usées a montré son intérêt pour prévoir ou suivre l’évolution – par ville, voire par quartiers – d’une maladie dont les germes sont éliminés dans les selles.
Une catastrophe qui n’a pas eu lieu
Cette épidémie nouvelle, dont l’on découvre, presque au jour le jour, des particularités, a aussi permis de constater le caractère néfaste des informations trop nombreuses et forcément contradictoires. Une mise au point médicale quotidienne et synthétique aurait garanti une meilleure adhésion du public plutôt que des avis divers et déroutants ou la publication sinistre du nombre de morts chaque soir. À retenir pour la prochaine crise sanitaire.
Le système immunitaire des Africains serait stimulé, « modulé », par les infections, les parasitoses et les vaccinations répétées depuis la petite enfance
L’ensemble de ces observations s’appliquent évidemment à l’Afrique subsaharienne où l’on peut émettre quelques autres remarques. Le plus notable est que la catastrophe annoncée en raison de l’insuffisance des structures sanitaires ne s’est pas produite. Pourquoi ? En raison de la moindre mobilité des populations ? Aucun aéroport africain ne figure parmi les 50 plus fréquentés dans le monde – avec 21,2 millions de passagers en 2018, Johannesburg a connu une fréquentation deux fois moindre que l’aéroport japonais de Narita, dernier de ce classement.
Le système immunitaire des Africains serait stimulé, « modulé », par les infections, les parasitoses et les vaccinations répétées depuis la petite enfance. Une étude publiée cette année même par un groupe néerlando-éthiopien plaide dans ce sens : la co-infection avec des parasites intestinaux est associée à une moindre gravité du Covid-19. Et une question sans réponse : existe-t-il un effet bénéfique de l’utilisation, dans de nombreuses populations africaines, de la chloroquine contre le paludisme et de l’ivermectine contre l’onchocercose ?
On doit retenir encore que l’on n’a pas observé en Afrique la mortalité catastrophique des personnes âgées constatée en Europe. Ce fait semble lié à leur dispersion dans les familles de quatre à cinq personnes, y compris les petits-enfants, sans regroupement dans des maisons de retraite ou des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad). Cela devrait entraîner une révision radicale de la prise en charge des personnes âgées dans les pays occidentaux.
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