Pendant ce temps à N’Djamena…

Dans la capitale, la population, habituée aux affrontements armés pour la conquête du pouvoir, prend son mal en patience. Et tente de vivre normalement.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

« État d’alerte maximum à N’Djamena. Attaque à l’Est, si vous sortez, faites attention. » Tel est le message que de nombreux étrangers de passage dans la capitale tchadienne ont reçu le 26 novembre sur leur téléphone portable. Une alerte qui ne semble pas inquiéter outre mesure les expatriés installés dans le pays depuis des années. Ils ont l’habitude. Les combats qui ont éclaté à Abou Goulem, à 90 km à l’est d’Abéché, près de la frontière avec le Soudan, sont bien loin de la capitale. Les convois de véhicules militaires transportant des hommes armés de fusils d’assaut et de lance-roquettes vers le front ont des airs de déjà-vu. Depuis quarante ans, ces mêmes scènes se répètent. La population a appris à vivre avec ces militaires enturbannés.

Réunions de crise
Cette fois-ci pourtant, les combats semblent avoir été particulièrement violents. Plus d’une centaine de soldats ont été tués, dont plusieurs officiers supérieurs, pour la plupart des zaghawas, l’ethnie du président Idriss Déby Itno. Les familles éplorées font le pied de grue à l’hôpital militaire du camp des Martyrs à N’Djamena. Quant aux blessés, ils auraient été conduits dans plusieurs hôpitaux du pays, dont celui d’Abéché. Toutes affaires cessantes, le gouvernement multiplie, depuis, les réunions de crise. L’armée est tombée dans un traquenard tendu par les combattants de l’Union des forces pour la démocratie et le développement (UFDD) de Mahamat Nouri. De nombreux commentaires évoquent la puissance de feu inattendue de ce groupe rebelle, qui a infligé aux troupes régulières les plus lourdes pertes enregistrées depuis l’attaque de N’Djamena par les hommes de Mahamat Nour Adelkérim en avril 2006.
Nouri, qui veut conquérir le pouvoir par les armes – et « entrer à N’Djamena sans passer par un avion d’Air France », selon la formule que le député de l’opposition Ngarlejy Yorongar attribue au président Déby Itno – est la nouvelle bête noire du régime. Ancien employé de poste, ce pionnier de la rébellion a participé à la création du Front de libération nationale du Tchad (Frolinat). Membre de la communauté gorane et originaire de Faya Largeau comme l’ex-chef de l’État, Hissein Habré, dont il fut l’éminence grise et le ministre avant de tomber en disgrâce. Après une traversée du désert, il est rappelé aux affaires par Déby Itno, le tombeur de Habré en 1990. Il est par la suite nommé ambassadeur en Arabie saoudite. Et profite de ses nouvelles fonctions pour étoffer son carnet d’adresses, des financiers saoudiens, égyptiens et soudanais prêts à soutenir son projet de conquête du pouvoir par les armes.
Propriétaire d’importants biens immobiliers à N’Djamena, ce septuagénaire – que l’on dit milliardaire et diabétique – tient sa base arrière en territoire soudanais. Depuis que le chef du Front uni pour le changement (FUC), Mahamat Nour Adelkérim, a quitté la rébellion pour devenir ministre de la Défense conformément aux accords de décembre 2006, Nouri et ses hommes occupent la place laissée vide. Alors que l’armée a tenté de désarmer de force un millier d’hommes restés fidèles au ministre de la Défense, actuellement en conflit avec Déby Itno, Nouri leur a ouvert les bras. De fait, le chef de file de l’UFDD, détesté de Tripoli pour sa proximité passée avec Habré qu’il a aidé à chasser les troupes libyennes du nord du Tchad, estime que l’accord de paix signé le 25 octobre dernier à Syrte est caduc et ne tiendra que le temps de démanteler son organisation. Il ne veut pas se faire « piéger par le pouvoir ».

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Kadhafi, chef marionnettiste
Entre Idriss Déby Itno, qui soutient des rébellions contre le pouvoir de Khartoum, et son homologue soudanais, Omar el-Béchir, qui arme et finance les Tchadiens qui combattent N’Djamena, Mouammar Kadhafi joue les facilitateurs. Mais d’aucuns pensent que le « Guide » libyen veut en fait garder la région sous sa coupe en la préservant de l’influence américaine. Pour Yorongar, « Kadhafi veut rester le grand marionnettiste qui fait et défait le leader du pays voisin dont les ressources pétrolières sont encore largement inexploitées, notamment à Aouzou », à la frontière libyenne.

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