Mauvais il sur Downing Street

Depuis le mois d’octobre, le Premier ministre Gordon Brown paraît frappé d’une malédiction. Tout ce qu’il entreprend se retourne contre lui. Résultat : une vertigineuse dégringolade dans les sondages.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Gordon Brown a décidément le mauvais il : pas une semaine sans qu’une nouvelle catastrophe ne fasse chuter le Premier ministre britannique dans les sondages. Le 27 novembre, son Parti travailliste était devancé de treize points par les conservateurs dans les intentions de vote, en cas d’élections anticipées. Il aurait pourtant adoré les organiser cet automne, ces élections ! Il rêvait d’une quatrième victoire consécutive pour le Labour, qu’il n’aurait due, cette fois, qu’à lui-même. Depuis son arrivée, le 27 juin, au 10, Downing Street, il se met en quatre pour faire oublier Tony Blair, son prédécesseur et ami. Au début, sa sérénité fait merveille. En juillet, il parvient à rassurer les Britanniques, bouleversés par les attentats terroristes manqués de Londres et de Glasgow.
On le dit sans cur ? Il n’hésite pas à patauger dans la boue aux côtés des victimes des terribles inondations de cet été. On le croit trop à gauche pour captiver les médias ? Il ouvre aux caméras la cellule de crise réunie dans son bureau pour faire face au sinistre. On l’accuse d’être « stalinien » ? Il rétablit la primauté du Conseil des ministres et réserve l’annonce de ses projets aux parlementaires, alors que Blair en donnait la primeur à la presse. Mieux, il affirme sa volonté de restituer au Parlement nombre de prérogatives, dont celles de déclarer la guerre et de ratifier les traités.
En août, à l’instar d’un Sarkozy, il joue l’ouverture. Une mission sur les enfants handicapés est confiée à un libéral. Et deux autres, sur la sécurité et le développement rural, à des conservateurs. Une femme à l’Intérieur, un amiral au ?gouvernement Brown veut démontrer qu’il incarne « le changement ». Astucieusement, il ménage la chèvre et le chou. À George W. Bush, il affirme sa solidarité en Irak. À son opinion, qui ne supporte plus la présence d’un fort contingent britannique du côté de Bassorah, il consent le retrait de mille soldats. Et ça paie ! Alors que, depuis un an, les conservateurs caracolaient en tête des sondages, la tendance s’inverse. En août, les travaillistes ont neuf points d’avance. Et deux de plus en septembre. Par référence à la célèbre bande dessinée américaine (Flash Gordon), ses conseillers en communication inventent un slogan percutant : « Not Flash, just Brown. »
Le Premier ministre se convainc qu’il dispose d’une « fenêtre de tir » électorale idéale, mais qui risque d’être brève puisqu’un ralentissement de l’économie est annoncé en 2008. Le Labour est donc prié de se mettre en ordre de bataille. Las, en octobre, tout se détraque. David Cameron, son jeune rival conservateur, fait un tel tabac lors du congrès de son parti en proposant une baisse de l’impôt sur les successions que le gouvernement est obligé de s’aligner. La sanction dans les sondages est immédiate et, le 7 octobre, Brown annonce qu’il renonce à convoquer des élections. Trop risqué
Aussitôt, la presse populaire se déchaîne : « dégonflé », « rien dans le pantalon » La descente aux enfers commence. Le Premier ministre se présente comme le père de la stabilité économique ? On lui reproche de mettre en péril l’épargne des Britanniques. D’abord, parce qu’il aurait maladroitement organisé la surveillance du secteur bancaire, à l’époque où il était chancelier de l’Échiquier. Ensuite, parce qu’il a tardé à secourir la banque Northern Rock, victime de la crise des subprimes.
Début novembre, Brown tente de reprendre la main et fait annoncer par la reine, dans son discours du Trône, vingt-neuf nouvelles mesures. Un catalogue sans surprise où l’on retrouve, pêle-mêle, la relance du nucléaire, la lutte contre le réchauffement climatique ou la prolongation de la garde à vue pour les terroristes présumés.
Et puis, coup sur coup, deux scandales achèvent de convaincre une majorité d’électeurs que le Premier ministre n’est pas l’homme du changement. Le 21 novembre, un fonctionnaire du département des allocations familiales ayant égaré deux disquettes contenant les données informatiques confidentielles de 25 millions de foyers, Brown est contraint de présenter ses excuses. Quel chancelier de l’Échiquier a fusionné les services des impôts et ceux des douanes, supprimé vingt-cinq mille emplois et provoqué un chaos informatique à l’origine de ce « discogate » ? interrogent les conservateurs. Poser la question, c’est y répondre
Second coup dur, cinq jours plus tard. Convaincu d’avoir illégalement accepté d’un promoteur immobilier un don de 600 000 livres (840 000 euros), Peter Watt, le secrétaire général du Parti travailliste, démissionne. Une scorie de l’ère Blair, mais qui tombe mal. Qui donc avait promis de réduire la part du monde des affaires et des médias dans le financement de son parti ? Pour ne rien arranger, la moitié de ce don a été versée après l’arrivée de Brown à Downing Street.
Celui-ci manque-t-il de charisme ? A-t-il pris un coup de vieux après l’irruption des « jeunes loups » conservateurs et libéraux ? Subit-il l’usure du pouvoir ? Un peu de tout cela. En bon Écossais qu’il est, Gordon Brown va à présent devoir serrer les dents. Et tenter de remonter la pente jusqu’à la fin de la législature, en 2010. Finalement, succéder à Tony Blair n’était pas si facile, isn’t it ?

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