L’horreur économique

Réforme agraire en panne, politique monétaire incohérente, chômage de masse… Jadis grenier de l’Afrique australe, le pays est aujourd’hui à genoux.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 3 minutes.

Des milliers de Zimbabwéens patientaient, le 20 novembre, dans les files d’attente qui s’allongeaient devant les banques du pays, dans l’espoir de retirer un peu d’argent liquide qu’ils couraient dépenser au plus vite, car le taux d’inflation officiel est de + 8 000 %, ce qui veut dire que le dollar zimbabwéen perd un cinquième de sa valeur chaque jour ! Le Fonds monétaire international estime, lui, que le vrai taux d’inflation sera, à la fin de 2007, de + 16 170 %. Toujours est-il que le gouverneur de la Banque centrale a annoncé, le 22 novembre, qu’une nouvelle monnaie comportant deux ou trois zéros de moins serait mise en circulation avant la fin de l’année.
On peut encore illustrer la déliquescence économique de ce pays, jadis l’un des plus prospères d’Afrique australe, en rappelant que le PIB par habitant y est tombé de 720 dollars US au début des années 2000 à 471 cette année. Les quatre cinquièmes de ses 13 millions d’habitants sont au chômage. L’espérance de vie a reculé, passant de 62 ans dans les années 1990 à 37 ans aujourd’hui. Comment en est-on arrivé à une telle horreur économique et sociale ? Les sanctions prises par les Occidentaux à l’encontre du pouvoir dictatorial d’Harare n’ont rien arrangé, mais le responsable de cette faillite est sans conteste le président Robert Mugabe, qui a commis toutes les erreurs décrites dans les manuels d’économie.
Les spécialistes datent au 14 novembre 1997 le début de ses bêtises. Ce jour-là, il annonce qu’il octroie aux 50 000 « anciens combattants » de la guerre de libération contre le pouvoir blanc une prime de 50 000 dollars zimbabwéens, ce qui, au cours de l’époque, représente la somme énorme de près de 3 milliards de dollars US. Pour tenir sa promesse, le président assèche les réserves en devises de son pays. La monnaie s’effondre des trois quarts en quelques semaines et la Bourse de moitié en un jour. Au même moment, le chef de l’État zimbabwéen décide de récupérer les terres des 4 500 exploitations agricoles détenues par des Blancs. Au fil des ans, il les distribue à ses « anciens combattants » et amis politiques. Faute de compétences, de matériels, d’engrais et de main-d’uvre, ceux-ci laissent les terres aller à vau-l’eau.
Deuxième exportateur mondial de tabac, le Zimbabwe voit sa production divisée par quatre, et le tabac y est désormais vendu au marché noir à un prix supérieur à celui de la marijuana. La récolte de blé 2007 est réduite au tiers de ce qui était attendu.
Monnaie en berne et devises en fuite, le régime tente de résister et fait tout ce qu’il ne faut pas faire. En 2002, il utilise à fond la planche à billets et sort des « chèques au porteur » imprimés sur une seule face, faute d’argent. Cette « monnaie de singe » connaît le sort des assignats de la Révolution française : personne n’en veut, et les prix flambent.
Pour éteindre l’incendie, le gouvernement décide, en juin 2007, de diviser tous les prix par deux. Résultat : les rares produits qui étaient encore dans les magasins disparaissent ; les usines s’arrêtent pour ne pas vendre à perte. Tout ça pour que les autorités fassent, finalement, marche arrière devant les risques de paralysie totale. Le gouverneur de la Banque centrale reconnaît l’erreur : « À quoi servent des produits pas chers quand ils ne sont pas en vente ? » avoue-t-il.
Le secteur minier (or, palladium, chrome, platine), le seul à rapporter des devises en nombre, se trouve dans un état de délabrement avancé, faute d’investissements. En outre, il pâtit de coupures de courant électrique à répétition, car le Zimbabwe n’a pas payé les 35 millions de dollars US qu’il doit au Mozambique pour ses kilowatts. Les mines tournent donc à la moitié de leur capacité.
Tout laisse à penser que Robert Mugabe persistera dans cette attitude suicidaire. Le 19 novembre, son gouvernement a publié un projet de loi faisant obligation aux sociétés minières de vendre 25 % de leur capital à l’État ou à des investisseurs locaux. Ceux-ci n’étant pas parvenus depuis trois ans à réunir 31 millions de dollars US pour acquérir une part du géant du platine Zimplats, ce nationalisme borné conduit droit à une impasse, et ne fera que dissuader un peu plus les investisseurs de revenir.

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