Lettre ouverte à Ban Ki-moon

Cosigné par quelque trois cents personnalités*, ce texte est un condensé du message adressé au secrétaire général de l’ONU par le dissident iranien Akbar Ganji, en septembre.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 4 minutes.

Le peuple iranien traverse une période difficile à la fois sur le plan international et sur le plan intérieur. Sur le plan international, il est sous la menace d’une attaque militaire des États-Unis. Sur le plan intérieur, il est enfermé par un État despotique dans une situation sans espoir.
Loin de contribuer au développement de la démocratie, la politique américaine de ces cinquante dernières années a régulièrement porté préjudice aux défenseurs de la liberté en Iran. Le coup d’État de 1953 contre Mohamed Mossadegh et le soutien inébranlable apporté au régime tyrannique du shah ne sont que deux exemples de cette politique détestable. L’affrontement entre plusieurs administrations américaines et l’État iranien, ces trente dernières années, a créé des conditions intérieures très difficiles pour les partisans de la liberté et des droits de l’homme.
Exploitant le danger représenté par les États-Unis, le régime a confié le pouvoir aux forces de sécurité. Il a interdit tous les médias indépendants et jeté en prison les militants des droits de l’homme en prétendant qu’ils étaient tous les agents d’un ennemi étranger. L’administration Bush, quant à elle, a créé un fonds d’aide à la démocratie en Iran. L’argent de ce fonds ayant été largement versé à des institutions américaines officielles et aux médias qui leur sont affiliés, les autorités iraniennes ont eu beau jeu de présenter les opposants au régime comme des mercenaires inféodés aux États-Unis et de les réduire au silence en toute impunité. En même temps, le simple fait d’évoquer la « possibilité » d’une attaque militaire contre l’Iran place les défenseurs des droits de l’homme et de la démocratie dans une position extrêmement difficile. Aucun Iranien ne veut voir ce qui s’est passé en Irak ou en Afghanistan se répéter en Iran.
La dangereuse situation internationale dans laquelle se trouve l’Iran et les conséquences de sa querelle avec l’Occident ont totalement détourné l’attention du monde, tout particulièrement celle des Nations unies, des conditions de vie inacceptables que le régime impose au peuple iranien. La polémique sur l’enrichissement de l’uranium ne doit pas faire oublier au monde que même si la révolution de 1979 a été une révolution populaire, elle n’a pas abouti à l’instauration d’un système démocratique qui protège les droits de l’homme. La République islamique est un État fondamentaliste qui n’accorde aucune reconnaissance officielle à la sphère privée. Il tient en laisse la société civile et bafoue les droits de l’homme.
Savez-vous qu’en Iran, les dissidents politiques, les défenseurs des droits de l’homme et les militants de la démocratie sont légalement privés du « droit à la vie » ? En vertu de l’article 226 du code pénal islamique et de la note 2, paragraphe E, section B de l’article 295 dudit code, n’importe qui peut unilatéralement décréter qu’un autre être humain a forfait à son droit à la vie et le tuer en prétendant accomplir son devoir religieux, qui est de débarrasser la société du vice. Ces dernières années, beaucoup de dissidents et de militants ont été assassinés en vertu de cet article, et leurs assassins acquittés par les tribunaux. Dans ces conditions, aucun dissident, aucun militant n’a droit à la vie, car aux termes de la jurisprudence islamique et des lois de la République islamique, la définition de ceux qui ont forfait au droit à la vie (mahduroldam) est très large.
Savez-vous qu’en Iran, beaucoup d’écrivains sont légalement interdits d’écriture ? En vertu de la note 2, paragraphe 8, de l’article 9 de la loi sur la presse, les écrivains convaincus de « propagande contre le système dirigeant » sont privés à vie du « droit à toute activité de presse ». Ces dernières années, de nombreux écrivains et journalistes ont été reconnus coupables de propagande contre le système dirigeant. Les verdicts des tribunaux montrent clairement que toute critique des organismes d’État est considérée comme de la propagande contre le système dirigeant.
Le peuple iranien connaît des jours difficiles. Il a besoin du soutien moral des défenseurs de la liberté dans tous les pays du monde et de l’intervention active de l’ONU. Nous sommes catégoriquement opposés à une attaque militaire contre l’Iran. En même temps, nous vous demandons, à vous et à tous les intellectuels et tous les défenseurs de la liberté et de la démocratie, de condamner la violation des droits de l’homme par l’État iranien.
Avant tout, nous espérons que tous les prisonniers politiques iraniens, qui vivent dans des conditions chaque jour plus déplorables, seront bientôt relâchés. Le peuple iranien se demande si le Conseil de sécurité de l’ONU ne fait preuve de fermeté et d’efficacité que lorsqu’il exige l’arrêt de l’enrichissement de l’uranium, et si la vie des Iraniens est à ses yeux sans importance. Le peuple iranien a droit à la liberté, à la démocratie et à la dignité. Nous, Iraniens, espérons que l’ONU et tous les organismes qui défendent la démocratie et les droits de l’homme apporteront un soutien inébranlable à la quête de l’Iran pour la liberté et la démocratie.

* Parmi les signataires : Isabel Allende, Noam Chomsky, Umberto Eco, Nadine Gordimer, Jürgen Habermas, Mario Vargas Llosa. Liste complète sur www.nybooks.com

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