Dérapage ministériel

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 2 minutes.

Coutumier des déclarations à l’emporte-pièce, Mohamed Cherif Abbas, le ministre algérien des Anciens Moudjahidine, a estimé, le 26 novembre, dans le quotidien arabophone El Khabar (800 000 exemplaires) que l’élection de Nicolas Sarkozy était l’uvre du « lobby juif ». À quelques jours de la venue à Alger du président français, pour une visite d’État de trois jours (3-5 décembre), ces propos ont naturellement embarrassé les dirigeants des deux pays. Le Quai d’Orsay, notamment, a estimé qu’ils « ne correspondent pas au climat de confiance et de coopération » qui a prévalu durant la préparation du voyage.
Berbère des Aurès, Mohamed Cherif Abbas (71 ans) est un vétéran de la guerre de libération (il a rejoint le maquis dès 1955, à l’âge de 18 ans). Au lendemain de l’indépendance, il est nommé commissaire régional du Front de libération nationale (FLN), alors parti unique. En 1976, il accède à la direction nationale et siège à la commission des relations extérieures du parti. Parallèlement, il est membre de la toute-puissante Organisation nationale des moudjahidine (ONM), le bras politique de ce qu’on appelle en Algérie la « famille révolutionnaire ». Il en devient secrétaire national en 1982, puis président en 1996.
Cette même année, Abbas rompt avec le FLN et participe à la création du Rassemblement national démocratique (RND), le parti d’Ahmed Ouyahia, dont il incarne le courant conservateur. Il est proche de la Fondation du 8-Mai-1945, dont la vocation est d’obtenir de la France à la fois une repentance et le versement d’indemnités pour les exactions de la période coloniale.
Le 29 novembre, jour d’élections (locales) en Algérie, un communiqué de la présidence a rappelé que « la politique extérieure relève exclusivement de la présidence de la République et de ses services dûment mandatés, dont le ministère des Affaires étrangères ». Ce qui signifie que « toute déclaration faite hors de ce cadre n’engage que ses auteurs ». Dans l’après-midi, Abdelaziz Bouteflika a téléphoné à Sarkozy pour dissiper tout malentendu : « Ces propos n’expriment pas la position de l’Algérie, un pays où vous serez accueilli en ami. » « L’incident est clos », a répondu le président français.
Ce nouvel épisode du bras de fer qui, en Algérie, oppose les partisans d’une relation apaisée avec la France à ceux qui souhaitent une rupture politique et économique embarrasse Ahmed Ouyahia. La veille de la déclaration d’Abbas, le chef du RND avait estimé qu’il fallait « cesser d’exiger des excuses et passer à des relations d’État à État ». Il n’a manifestement pas été entendu par son « camarade ».

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