Construire. Pour quels clients ?

Aujourd’hui, l’offre et la demande s’équilibrent : des dizaines de projets pour de nombreux Européens prêts à devenir propriétaires.

Publié le 3 décembre 2007 Lecture : 5 minutes.

Une villa à Marrakech dans la désormais célèbre Palmeraie, un appartement dans le port méditerranéen de Saïdia, à quelques encablures d’un terrain de golf, un pied-à-terre à Essaouira, au bord de l’Atlantique, ou à Fès, Mekhnès, Tanger Depuis quatre ou cinq ans, les résidences secondaires font leur apparition sur les cartes postales du Maroc. Il y en a pour tous les goûts. Très haut de gamme pour les jet-setteurs parisiens et londoniens, grandes et confortables pour les anonymes aisés, plus simples et moins coûteuses pour les budgets moyens, elles trouvent preneur. Le plus souvent étrangère, la clientèle est aussi variée que l’est la nouvelle « offre immobilière touristique », comme disent les professionnels.
Des lieux où l’on peut rester aussi longtemps que l’on veut, même plusieurs mois, que l’on peut louer, où l’on est « à la maison » – contrairement à l’hôtel -, qui offrent, à proximité, une gamme de loisirs allant de la piscine au golf en passant par la boîte de nuit ou le casino. Le tout à « trois heures et 100 euros de l’Europe », pour ceux qui comptent leur temps et leur argent. Une façon d’être mi-touriste mi-résident, et donc de consommer autrement que le simple voyageur de passage. Peut-être un moyen de développement supplémentaire pour le Maroc. Les résidences secondaires ne poussent pas encore comme des champignons dans le royaume, mais elles sont de plus en plus nombreuses et intéressent les promoteurs immobiliers – marocains (Alliances, Palmeraie Développement, Onapar, Addoha), français (Pierre & Vacances), émiratis (Qatari Diar, Emaar, Somed), espagnols (Fadesa) notamment.
Tout commence au début des années 1990. À l’époque, le groupe Berrada se distingue en construisant la Palmeraie : à une dizaine de kilomètres de Marrakech, un site arboré qui combine golf, hôtel de luxe et villas de standing. « Ce n’était pas ordinaire à l’époque », précise Saad Berrada, patron de Palmeraie Développement, filiale du groupe Berrada. Aujourd’hui, le modèle a été décliné et complété. Dans les projets en cours, chaque promoteur rivalise de « concepts » architecturaux, de marketing et de services. Sur la « nouvelle zone touristique de Ouarzazate » (définie par l’État), le consortium formé par Palmeraie Développement et le belge Thomas & Piron va bâtir la « Mansour Lake City » : une cité lacustre où se côtoieront des hôtels, des résidences secondaires, un centre de congrès, des casinos, un centre commercial, un « aquapark » et, surprise du chef, un « hippocamélodrome ». Bref, le Las Vegas marocain
À Marrakech, le groupe Alliances construit un hôtel de luxe – comme le George V à Paris, il sera géré par le groupe américain Four Seasons – entouré d’une vingtaine de riads et autant de villas. Leurs propriétaires pourront profiter des services – ménage, gardiennage – et des installations de loisirs de l’hôtel – spa notamment. Montant total de l’investissement : 1,1 milliard de DH (100 millions d’euros), réalisé par la société du prince saoudien Al-Walid, Kingdom Hotel Investments (78 %), le groupe britannique EHC (11 %) et Alliances (11 %). La fin des travaux est prévue pour novembre 2009. À une quinzaine de kilomètres de Marrakech, l’Onapar, filiale immobilière de l’ONA, réalise en trois tranches la cité Amelkis, qui se veut la « transposition architecturale d’un conte oriental » Elle comptera notamment un ensemble de 107 villas, dotées d’une piscine et d’un hammam privatifs, à proximité d’un golf. Moins luxueux et moins cher, le français Pierre & Vacances se lancera l’année prochaine dans la commercialisation d’appartements à Marrakech et à Agadir.

Déjà 70 000 propriétaires ?
Si les projets s’additionnent, « le marché est difficile à cerner », explique Mohcine Jazouli, président de Valyans, cabinet de conseil notamment spécialisé dans le tourisme. Les professionnels s’accordent toutefois pour dire que les Français sont les plus nombreux parmi les étrangers à posséder une résidence secondaire au Maroc (ils représentent aussi le premier contingent de touristes). Le nombre de 70 000 propriétaires circule. Certains sont connus, qui ont contribué à « lancer la destination Marrakech », comme l’ancien ministre de l’Économie et actuel directeur général du Fonds monétaire international, Dominique Strauss-Kahn. Pour Mohcine Jazouli, la clientèle française compte à la fois « la jet-set parisienne mais aussi les retraités qui cherchent un meilleur niveau de vie ». Pour ces derniers, un rapide calcul fiscal tourne incontestablement en faveur du Maroc
Les Britanniques, qui constitueraient la deuxième clientèle en nombre – mais seraient bientôt en tête, selon certains -, sont plus fortunés : compte tenu du niveau de vie élevé et de la flambée des prix de l’immobilier au Royaume-Uni, « ils ont le plus fort pouvoir d’achat », considère Alami Lazraq, président-directeur général d’Alliances. Contrairement aux Français, ils n’hésitent pas à se décider sur plan, sans même se déplacer, en faisant appel à des cabinets londoniens comme Hamptons Estates Limited ou Knight Frank, mandatés par le promoteur quand ils n’ont pas acheté les biens pour les revendre ensuite. Connaissant avec précision les besoins de la clientèle, ces « revendeurs » sont particulièrement efficaces : « Il y a deux ans, on a vendu les 40 unités du Four Seasons de Marrakech en une journée, entre 9 h 30 et 15 heures à Londres, se souvient Alami Lazraq. Ils font leurs propres études de marché et, au total, ils effectuent 80 % de notre travail à nous, promoteurs marocains. » Parmi ces acquéreurs britanniques pour le moins réactifs, certains cherchent simplement à faire une bonne affaire, un placement. « Entre la réservation sur plan et la signature de l’achat, le client peut faire une plus-value de 50 % », estime un banquier spécialisé dans l’immobilier, qui préfère garder l’anonymat.

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Compter 500 000 euros pour une villa de standing
Dominé par les Français, les Anglais et, dans une moindre mesure, les Espagnols, le marché des acquéreurs de résidences secondaires au Maroc est toutefois hétérogène : Suisses, Américains, Saoudiens ou Émiratis rêvent aussi de leur villa à Fès ou à Tanger Parmi eux, figurent également quelques Marocains résidant à l’étranger (MRE). Mais leurs besoins sont différents : « Ils vivent confortablement en Europe, explique Alami Lazraq et, quand ils reviennent au Maroc, ils cherchent à résider près de leur famille. » Sur le site construit par Alliances à Skhirat, à proximité de Rabat, une zone moins touristique que la côte méditerranéenne ou la région de Marrakech, la moitié des propriétaires sont des MRE. La valeur de leurs biens va de 90 000 à 150 000 euros, loin des 500 000 euros à débourser pour une villa standard (bord de golf et piscine) à Marrakech.
L’engouement des étrangers pour les résidences secondaires au Maroc ne fait aucun doute. Il n’y a qu’à regarder la flambée des prix de l’immobilier. « La spéculation nous laisse penser que la demande est bien réelle », avance un banquier. Certains promoteurs en sont si convaincus qu’ils cherchent à anticiper le développement et les désirs de la clientèle, élaborant des offres toujours plus surprenantes et des plans d’investissement aux montants gigantesques (30 milliards de DH sur les huit prochaines années pour Palmeraie Développement). Mais l’enthousiasme est-il durable ? Le marché est mal connu, la concurrence limitée, le pays ne dispose d’aucun observatoire, ni d’une fédération professionnelle regroupant les opérateurs. Et si l’engouement pour l’immobilier de loisir marocain ne reposait que sur une poignée d’Européens, et pas plus ?

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