Vers une croissance économique à deux chiffres

Le pétrole, dont la production devrait démarrer à la fin de 2005, bouleversera la vie d’un pays pénalisé par le manque de pluies.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 4 minutes.

La Mauritanie de 2003 ne ressemble déjà en rien à celle de 1960. Mais que dire de celle de 2010 ? Selon le dernier rapport du Fonds monétaire international, publié le 10 octobre(*), la production pétrolière devrait démarrer à la fin de 2005. L’or noir coulera au rythme de 50 000 barils par jour en 2006 et deux fois plus en 2007. Quelle aubaine ! D’abord pour les compagnies pétrolières – australienne, italienne, espagnole, américaine, française, etc. – qui, après avoir investi plus de 300 millions de dollars (l’aventure de cette exploration a commencé il y a cinq ans), devront amortir leur mise et tirer des bénéfices appréciables d’autant que les cours du baril demeurent tendus à la hausse (entre 25 et 30 dollars) avec un retour sur investissement supérieur à 10 %. Le gouvernement mauritanien devrait quant à lui encaisser dès 2006 des royalties – les premières de son histoire – équivalentes à 3 % du Produit intérieur brut (PIB), selon les experts du FMI, soit une recette de l’ordre de 40 millions de dollars. À cela s’ajoutent, bien sûr, les retombées sur l’activité économique générale (emploi, services, sous-traitance…) ainsi que sur le moral des 3 millions de Mauritaniens. L’impact sur la croissance économique sera, ont calculé les envoyés spéciaux du FMI qui ont achevé leur rapport en juillet, de 9 %, dont 3,3 % dus au pétrole en 2006 et plus de 10 % en 2007.
La reprise de l’exploration pétrolière en 1998 (voir notamment J.A.I. n° 2093 du 20 février 2001 et n° 2212 du 1er juin 2003) n’a donc pas été décevante. Une quinzaine de compagnies pétrolières opèrent dans les permis offshore (en mer) et onshore (sur la terre ferme). Aucune estimation globale des réserves n’est disponible actuellement faute de forages suffisants. Mais les premiers gisements qui seront exploités dès la fin de 2005 renferment quelque 200 millions de barils, une quantité commercialement encourageante. Car, avec le pétrole et surtout l’amélioration du climat d’affaires dans le pays, d’autres compagnies se sont mises à explorer les autres richesses minières : or, diamant, etc. Une convention sur l’exploitation des mines d’or du Guelb el-Gheim – pour ne citer que la dernière en date – a été signée le 27 octobre pour un investissement initial de 50 millions de dollars.
Pour un pays qui n’a reçu en moyenne que 7 millions de dollars par an de 1991 à 1999, les chiffres sont impressionnants. Et s’expliquent, toujours selon le FMI, par une série de réformes qui ont révolutionné le cadre général de l’économie : un code des investissements et une fiscalité plus appropriés, une libéralisation du commerce extérieur et un ambitieux programme de privatisation (banques, télécommunications, énergie)… Le tout bénéficiant d’un soutien ferme des bailleurs de fonds bilatéraux et multilatéraux : la moitié de la dette extérieure a été effacée, libérant des sommes importantes pour les dépenses sociales et la lutte contre la pauvreté.
Ces bonnes nouvelles surviennent alors que Nouakchott connaît la canicule, tandis que la campagne électorale pour la présidentielle du 7 novembre bat son plein et que le mois de jeûne (ramadan) a commencé le 27 octobre. Autant de circonstances qui incitent moins à la réflexion économique qu’aux débats politiques et plus encore aux soirées familiales…
Le rapport du FMI mérite pourtant le détour : tout y est, l’analyse des performances du passé, les prévisions et surtout les points négatifs.
Pays de 1 million de km2, dont 90 % de désert, la Mauritanie n’attire guère la pluie : à peine 200 mm de précipitations annuelles. Le pays vit donc essentiellement d’une ressource minière (le fer) qui a assuré l’essor économique pendant les années 1960 et 1970, mais dont les prix sont à la baisse. Le minerai rapporte encore près de 10 % du PIB pour une production annuelle de 12 millions à 13 millions de tonnes. C’est autant que la pêche industrielle, qui, grâce à un formidable espace maritime, procure 200 millions de dollars par an à l’État (sous forme de droits et de licences de pêche accordés à une trentaine de pays).
Ces richesses ont permis aux Mauritaniens de figurer aujourd’hui au 146e rang mondial du classement 2002 du revenu par habitant établi par la Banque mondiale. Avec 1 740 dollars par habitant – un montant calculé en fonction de la parité du pouvoir d’achat -, la Mauritanie se place juste derrière le Pakistan et avant plusieurs pays subsahariens comme l’Angola, le Cameroun, le Sénégal, le Kenya ou la Côte d’Ivoire. En quarante ans, le revenu moyen des Mauritaniens a été multiplié par vingt.
Et cette performance ne pourra que s’améliorer. La croissance économique est égale, en effet, à deux fois celle de la population : 5 % à 6 % par an, contre 2,8 %. Avec le pétrole et l’élévation conséquente du niveau de vie, le revenu augmentera et le nombre d’enfants par famille diminuera. Alors, que faut-il de plus ? Le FMI répond, avec une clarté inhabituelle. Dominée par le fer et le poisson aujourd’hui, le pétrole demain, l’économie n’est pas assez diversifiée. Il faudrait encourager les Mauritaniens et les étrangers à créer des entreprises, surtout des PME. L’activité bancaire, par ailleurs, est trop concentrée et les taux d’intérêt (ou de leasing pour le financement islamique) sont trop élevés : avec un coût de 13 % à 18 %, l’investissement devient dissuasif. Seuls échappent à ce cercle vicieux les secteurs à forte valeur ajoutée comme la téléphonie mobile. Certains banquiers mauritaniens sont à la recherche de financements privés moins onéreux. Mais l’État devra y mettre du sien. Autres carences : le marché des devises n’est pas efficient, et la formation professionnelle a besoin d’un sérieux coup de pouce.
Les motifs d’espoir sont pourtant bien réels, constate le FMI : le programme de lutte contre la misère avance bien (42 % de la population vit en dessous du seuil de pauvreté, ils étaient 57 % en 1990 et 46 % en 2000). L’économie se diversifie quelque peu, avec l’épanouissement du tourisme international (60 000 entrées en 2001). Et surtout la gestion des deniers publics est sous haute surveillance. Ceux qui vont gouverner demain sont avertis : l’argent du pétrole devrait remplacer la pluie et arroser l’ensemble du territoire national. Pour la prospérité de tous.

* Ce rapport de 94 pages est vendu à 15 dollars. Mais il est disponible gratuitement sur le site du FMI à l’adresse suivante : www.imf.org/external/pubs/ft/scr/2003/cr03314.pdf

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