Song Mei-Ling

Veuve du général chinois Tchang Kaï-chek, décédée le 23 octobre à New York, à l’âge de 105 ans

Publié le 4 novembre 2003 Lecture : 3 minutes.

Song Mei-ling, veuve de Tchang Kaï-chek, est décédée. Une page de l’histoire du XXe siècle se referme, celle du combat pour le contrôle de la Chine postimpériale dans lequel se sont affrontés nationalistes et communistes pendant plusieurs dizaines d’années, sur
fond d’invasion japonaise.

Dans ses Mémoires, le général Joseph W. Stilwell, commandant des forces américaines en
Chine durant la Seconde Guerre mondiale, brosse un portrait fidèle de celle qui a été une très jolie femme : « Elle est intelligente et fine, directe, énergique et forte. Elle
aime le pouvoir, raffole de la publicité et des flatteries et sait jouer de son charme pour obtenir ce qu’elle veut. » Issue d’une des plus riches familles de Chine, les Song, elle est chrétienne méthodiste et adopte très jeune un style « à l’occidentale » issu de ses années passées aux États-Unis, son père l’envoie étudier, dès l’âge de 10 ans, en 1908. Elle en repartira en 1917 avec un diplôme de littérature anglo-saxonne et un anglais parfait, teinté d’un léger accent du Sud acquis à ses débuts en Géorgie.
Son mariage avec Tchang Kaïchek a lieu le 1er décembre 1927 à Shanghai. Ce dernier a eu du mal à convaincre la famille Song de le laisser épouser la jeune Mei-ling, car non seulement il n’est pas chrétien, mais il a déjà été marié, a un fils et une concubine. Mais la gloire et la politique l’emportent. Il se convertit et expédie sa concubine aux États-Unis. Après une courte cérémonie religieuse, c’est donc lors d’un grand raout politique, devant mille trois cents invités, que le généralissime prend officiellement femme.
Mme Tchang Kaï-chek devient tout de suite une partenaire politique pour son mari. Elle voyage avec lui, le conseille en matière politique et militaire, use de son charme envers amis et ennemis. M. Tchang ne parle pas un mot d’anglais, et elle lui sert de traductrice,
introduisant sans vergogne ses propres opinions dans les propos qu’elle retransmet.

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Toutefois, elle est assez habile pour ne pas dépasser les limites tolérables par l’autoritaire général. La fortune familiale et les relations de Song Mei-ling ouvrent à ce dernier les portes des cercles les plus influents d’Extrême-Orient. Ses deux beaux-frères, banquiers, financeront longtemps les déficits de l’État et ses dépenses
militaires.
« Madamissime » a du sens politique et pas mal d’intuition. Lorsque son mari est enlevé par les communistes à Sian, en 1936, elle réussit à négocier. Le général sortira de l’épreuve plus assuré que jamais au sein du Guomindang, le parti des nationalistes.

De temps à autre, y compris durant la Seconde Guerre mondiale, Mme Tchang Kaï-chek se rendra aux États-Unis, en quête d’argent. Son discours de 1943 devant le Congrès est considéré aujourd’hui comme un morceau d’anthologie tant elle sut se montrer brillante,
émouvante et persuasive. Elle apparaît alors comme une courageuse Chinoise combattant l’envahisseur japonais et le communisme subversif. Cependant, les rumeurs de corruption commencent à courir de tous côtés. La victoire de Mao Zedong en 1949 stoppe net les voyages diplomatiques de Mme Tchang, qui se réfugie avec son époux sur l’île de Taiwan. Les relations avec les États-Unis ne sont pas rompues, bien au contraire. La hargne de Mei-ling contre les « bandits rouges » garde toute sa fougue et, au cours des années 1950, elle fera plusieurs voyages à Washington dans le but de peser de tout son poids, qui reste considérable, pour que la jeune République populaire de Chine n’obtienne pas de siège aux Nations unies. En vain.
Son mari meurt en 1975. L’année suivante, Mei-ling est opérée d’un premier cancer du sein et s’installe à New York. Toutefois, elle garde un il sur la politique taiwanaise. En janvier 1988, à la mort de Tchang Ching-kuo, fils du généralissime et dirigeant du pays depuis le décès de celui-ci, elle retourne sur l’île et bat le rappel de quelques partisans, dans l’espoir de reprendre les rênes politiques. Elle a alors 90 ans.
Mais sa tentative se révèle infructueuse, et elle se retire une nouvelle fois à New York, dans son appartement de Gracie Square, à Manhattan. Elle s’y est éteinte tranquillement et pratiquement seule, la plupart de ses amis et de sa famille l’ayant précédée dans la tombe.

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