Question de méthode

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Construire des infrastructures durables, cela ne s’improvise pas du jour au lendemain. Dans les pays développés, de tels chantiers se préparent même vingt ou trente ans à l’avance. Aujourd’hui, les prévisions démographiques sont très précises, les marges d’erreur étant devenues très limitées. On maîtrise ainsi mieux le taux de croissance d’une population et toutes ses composantes – répartition par âge, par sexe, structures urbaine et rurale. Un État qui veut sérieusement combler ses lacunes en termes de logements, écoles, routes, barrages, moyens de transport, centrales électriques, canalisations d’eau, etc., peut donc s’y prendre longtemps à l’avance. Il le doit, même, s’il veut éviter que n’éclatent crises sociales, voire guerres civiles.

La Tunisie a eu la chance de compter, dès les premiers jours de l’indépendance, des cadres à même d’envisager ce que serait la Tunisie du futur. C’est ainsi que, dotés de l’autorité nécessaire, les premiers planificateurs ont conçu les « perspectives décennales » des années 1960, puis 1970, et ainsi de suite. Celles-ci ne s’apparentaient pas à un modèle communiste, mais plutôt à une planification à la française, mélange de souplesse et de rigueur. Il n’y a donc pas eu d’« éléphant blanc » en Tunisie. Pas d’usine qui tombe en ruine à peine inaugurée, pas de réalisation superflue, pas de grande route non entretenue…
Les « perspectives décennales » étaient à l’origine décomposées en tranches de trois ou quatre ans qui se transformèrent, comme c’est le cas encore actuellement, en cinq ans. Chaque année, le projet de budget économique de l’État permettait de mettre à jour les données et de mieux cadrer les objectifs avec les moyens financiers disponibles.
Réalisés par des milliers de « fonctionnaires » anonymes – la Tunisie de 2003 leur doit une fière chandelle -, ces plans successifs (ces fameux ouvrages bleus en quatre tomes : le général, les secteurs, les régions, les projets) ont tenu la route malgré les changements de directeurs, de ministres, de président de la République. Tout cela a été inspiré par les idéaux modernistes du père de l’Indépendance, Habib Bourguiba, qui n’avait de cesse que son pays sorte du sous-développement. La première décision historique devait permettre de soulager d’un coup la « moitié » de la population active en libérant la femme du joug des traditions ancestrales et religieuses (1956). Il fallut ensuite doter le pays d’une infrastructure financière solide et indépendante (de la politique) : une grande banque commerciale, puis une monnaie nationale et une Banque centrale furent créées. La route était définitivement tracée. Des hommes méticuleux, honnêtes, consciencieux, se mirent à la tâche. Petit à petit, ils ont bâti les premières fondations : l’école et la santé pour tous, les barrages, le développement rural… Les Tunisiens, appelés par le président Bourguiba à se servir de leur « matière grise », n’attendirent pas l’État pour créer, investir, construire. Aujourd’hui, il n’y a pas de crise du logement, de coupures intempestives de courant électrique, l’eau est disponible 24 heures sur 24 dans les maisons… Certes, il reste des choses à accomplir, mais l’essentiel est assuré à court et long terme.

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Les grands projets qui font la fierté de la Tunisie moderne – le métro léger de la capitale, l’aménagement du Lac de Tunis, le campus universitaire, les autoroutes, les télécommunications – ont été lancés il y a plus de vingt ans. Avec une élite plus importante et plus ingénieuse, avec des moyens financiers plus consistants, la Tunisie a eu la chance que l’arrivée de Zine el-Abidine Ben Ali au pouvoir, en 1987, n’a pas entraîné de rupture dans la « méthode ». Au contraire. Le rythme s’est accéléré et les travaux se sont davantage étendus aux « zones d’ombre ». Aujourd’hui, les Tunisiens ont les yeux grands ouverts sur le monde, les progrès de la technologie comme ceux des libertés sociales, économiques et politiques.

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