Présidentielle: les amis de Haïdallah nous écrivent

À la suite de la publication, dans J.A.I n° 2229, de « Duel à Nouakchott », article signé François Soudan et consacré à l’élection présidentielle du 7 novembre en Mauritanie, nous avons reçu des « Forces du changement » – le mouvement de soutien à l

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 4 minutes.

« Monsieur Soudan, permettez-nous de vous dire que votre talent de journaliste et d’intellectuel lucide n’a pu voiler, ne serait-ce que pour le lecteur moyen, votre engagement aux côtés d’Ould Taya à travers l’article en question.
En suivant votre raisonnement, vous évoquez les élections de 1992 et 1997 « largement remportées par le président sortant » comme vous dites, mais vous passez sous silence la fraude à grande échelle qui a caractérisé ces élections, fraude pourtant reconnue par le pouvoir lui-même.
Décrivant la personnalité de Haïdallah, vous vous contredisez vous-même : vous le qualifiez de « courageux au feu », oui, mais aussi de « téméraire » pour avoir choisi de rentrer au pays après son renversement. Pourtant, aux yeux des Mauritaniens, ce retour courageux marque à jamais le portrait flatteur qu’ils se font de lui. L’homme voulait rester parmi les siens, prisonnier ou libre dans le désert, sachant qu’un jour le destin pouvait l’appeler. Cet homme de fer n’est pas un robot, mais il est capable à la fois de diriger et d’aimer ses semblables, et de rectifier le tir. Reconnaissez avec nous que, pour le respect de certaines valeurs humaines, il faut se garder de comparer la personnalité d’Ould Taya avec la sienne. L’un a gouverné pour le moindre mal pendant une courte période, au temps des régimes d’exception ; l’autre a été gouverné, si l’on peut dire, pendant dix-neuf ans par une horde d’hommes d’affaires et de prétendus technocrates, bien introduits pour placer leurs hommes, agir en décideurs politiques et protéger leurs intérêts.
Vous ne trouvez comme raison pour le ralliement actuel de Breika Ould M’Bareck et de Diop Moustapha à leur ami Haïdallah qu’un esprit de vengeance et de rancune à l’égard d’Ould Taya. On se rappelle d’ailleurs votre déchaînement, en 1984, contre ce groupe d’hommes, qualifiés de tous les maux. Vingt ans après, tirez vous-même la conclusion et dites-vous que l’Histoire est en train de donner raison à ces hommes sortant de grandes écoles, combatifs sur le terrain, courageux et déterminés d’esprit. Ces hommes, qui ont d’ailleurs un moment soutenu Ould Taya, ces hommes, de moralité exemplaire, se rassemblent maintenant plus pour répondre à l’appel de leur peuple et pour sauver leur pays que pour la petite idée de revanche que vous évoquez.

Enfin, touchant au politico-économique, il est surprenant de votre part de fermer les yeux sur les dettes du pays et l’emploi de ces dettes. Toutes les enquêtes, publiées ou non, ont révélé que le quart seulement des financements de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international sont allés aux infrastructures, tout le reste n’étant que surfacturation ou détournements grossiers. Plus grave encore, Monsieur Soudan, vous affirmez qu’Ould Taya « ne s’est pas enrichi personnellement ». Vous ne vous rendez pas compte que par cette affirmation vous ravivez la rumeur des Nouakchottois, rumeur qui vous a toujours associé aux médias financés, pour ne pas dire soudoyés par Narcisse pour lui tenir son miroir. En effet, il suffit d’aller vous renseigner en Europe ou dans les paradis fiscaux pour vous rendre compte du nombre et du chiffre d’affaires réalisé par les multimilliardaires frères, cousins ou prête-noms d’Ould Taya. En louant sa diplomatie, vous devenez incompréhensible, car vous savez bien que les relations de la Mauritanie sont actuellement mauvaises avec la Ligue arabe, rompues avec la CEDEAO et froides avec la France, au point que votre ami ne s’occupe plus que de faire les yeux doux aux Anglo-Saxons.

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En plus de ce passif politico-économique, il faut vous rappeler ce fameux passif humanitaire des années 1990 et 1991, souillant Ould Taya tant au niveau national qu’international. Vous avez bien voulu omettre de votre comparaison des deux hommes ce passif humanitaire pourtant très lourd.
Par ailleurs, nous ne devrions pas être amenés à rappeler au grand intellectuel que vous êtes que le développement des nouvelles technologies est venu s’imposer au monde. Ce n’est pas Ould Taya qui l’a inventé ou est allé le chercher. Si Ould Daddah, Messaoud Ould Boulkheir ou Haïdallah étaient au pouvoir, ce phénomène se serait imposé à eux au même titre, pour le mieux et non pour le pire comme avec Ould Taya (privatisations à outrance, administration corrompue, trafic d’influence au plus haut niveau).
Monsieur François Soudan, permettez-nous d’attirer votre attention sur le changement que la Mauritanie est en train de vivre et de vous inviter, d’abord comme observateur au scrutin du 7 novembre 2003, ensuite comme hôte parmi nous, bras ouverts et coeur blanc, pour découvrir et entrer en contact avec des hommes que vous avez toujours voulu caricaturer. »

Réponse
Deux remarques :
1) Plutôt que de se cacher derrière le paravent de la « rumeur des Nouakchottois », il eût été plus utile (et plus courageux) d’affirmer noir sur blanc que J.A.I était « à la solde » des autorités mauritaniennes et d’en fournir, bien entendu, les preuves indiscutables. En l’état, ce genre d’accusation à la fois détournée et diffamatoire rappelle, hélas ! des méthodes que l’on croyait révolues et qui valurent à Jeune Afrique d’être interdit de diffusion en Mauritanie entre 1981 et 1984.
2) M’accuser d’avoir, en 1984, dans les colonnes de J.A., couvert d’opprobre Haïdallah et le groupe d’officiers qui l’entouraient relève de l’amalgame malveillant ou, si l’on veut être charitable, de la mauvaise information : il n’y a nulle trace, dans les archives de notre journal, d’un quelconque article signé de moi sur la Mauritanie avant… 1987. Pour le reste, une simple question de bon sens : si J.A.I. était ce que les « Forces nouvelles » en disent, publierions-nous ce genre de lettre ?

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