Optimisation !

Les progrès enregistrés depuis l’indépendance ont été fulgurants, mais la menace de pénurie plane toujours à l’horizon 2015.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 4 minutes.

Sidi Salem, Beni Mtir, Mellegue, Nebhana… Ces noms de barrages résonnent de façon quasi divine aux oreilles des Tunisiens. Et pour cause. S’ils n’ont pas eu à déplorer la moindre coupure d’eau potable pendant quatre années de sécheresse consécutives, s’ils n’ont dû supporter que relativement peu de restrictions en matière d’irrigation, ils le doivent essentiellement à la qualité de leurs infrastructures hydrauliques. Pays semi-aride sur les deux tiers de son territoire, la Tunisie dispose de peu de ressources hydriques, tant en eau de surface qu’en nappes souterraines.
Avec, en moyenne, 330 m3 d’eau par habitant et par an, elle figure même parmi les vingt pays les plus pauvres du monde, le seuil étant fixé à 1 000 m3. Croissance démographique et économique oblige, les autorités ont, dès l’indépendance, en 1956, fait de l’eau une des grandes priorités nationales. Pour assurer la sécurité alimentaire des générations futures, Tunis s’est donc mis à construire des infrastructures. Résultat : à la fin de 2001, on comptait 23 grands barrages, 132 barrages collinaires, 650 lacs collinaires et 2 500 ouvrages d’épandage et de recharge. Chiffres parlants : en 1945, moins de 5 millions de m3 d’eau étaient mobilisés. En 2001, ce volume atteignait plus de 2 milliards de m3 pour les seules retenues de surface, et 3,9 milliards de m3 en ce qui concerne les nappes profondes et les 75 nappes phréatiques.
Pour l’exploitation de ces eaux souterraines, on recense pas moins de 2 500 forages, 50 sources naturelles et 150 000 puits, dont 70 000 équipés de moteurs de pompage. En 2003, 94,5 % des Tunisiens ont accès à l’eau potable. Le Nord-Ouest présente le taux de raccordement urbain le plus bas, avec une moyenne de 82,6 %. Pour les zones non urbaines, ce taux est de 26,4 % dans le Nord-Ouest (le plus bas : 20 % dans la région du Kef). Dans le Centre-Ouest, il est de 21,8 % (9,2 % dans la région de Kasserine).
L’État a bien évidemment dû consentir des investissements importants pour arriver à un coût de mobilisation du m3 d’eau aux alentours de 1 dinar (0,68 euro). « À une certaine époque, les infrastructures hydrauliques se taillaient, avec l’éducation et la santé, la part du lion dans le budget de l’État, se souvient un ancien ministre de l’Équipement, en poste dans les années 1970. Lorsque je réclamais des fonds pour les infrastructures routières, on me répondait qu’on avait déjà donné pour les barrages. » L’eau ainsi récupérée est essentiellement destinée à augmenter la production agricole dans le Nord – et particulièrement dans la vallée de la Medjerdah – à travers les périmètres irrigués. Une autre partie est acheminée, pour fournir de l’eau potable ou pour l’irrigation, vers les régions du littoral sont concentrées les deux tiers de la population, plus de 70 % des activités économiques et 90 % du secteur touristique.
En 1990, l’effort a encore été accentué avec la mise en place d’une stratégie nationale de mobilisation des ressources hydrauliques, devant s’étendre jusqu’en 2011. Dans le IXe Plan de développement économique (1996-2001), les investissements dans le secteur ont atteint 1 589 millions de dinars (1 076 millions d’euros), puis ont augmenté de 21 % avec le Xe Plan (2002-2006), pour atteindre 1 923 millions de dinars, ce qui représente près de 40 % du total des investissements agricoles sur cinq ans. En 2001, le taux de mobilisation des ressources était de 81,6 % pour les eaux de surface, de 96,6 % pour les nappes nichées à plus de 50 m de profondeur (qui ne se renouvellent pas) et de 100 % pour les nappes phréatiques moins profondes (rechargées par les infiltrations d’eaux de pluies). La Tunisie est ainsi l’un des pays du Bassin méditerranéen à avoir atteint les plus forts taux de mobilisation. L’objectif du gouvernement est d’atteindre 95 % en 2011, le maximum que l’on puisse espérer en la matière.
Reste que si les ressources stagnent, la demande, elle, augmente. En 2011, il n’y aura plus que 300 m3 par habitant et par an. Selon les estimations de la Banque mondiale, la Tunisie doit s’attendre à faire face à des pénuries vers 2015 si, d’ici là, des mesures tendant à optimiser l’utilisation de l’eau ne sont pas prises. Actuellement, l’irrigation absorbe 80 % des ressources disponibles. Les superficies irriguées, qui ne représentent que 7 % du total des terres cultivables, fournissent tout de même 45 % de la production agricole du pays. Ce qui rend essentiel le rôle de l’hydroagriculture sur le plan économique, surtout en matière de sécurisation de la production céréalière.
Pour éviter les fameuses pénuries, le gouvernement a conçu, en 1999, conjointement avec la Banque mondiale, une « Stratégie de gestion de l’eau » qui courra jusqu’à la fin de la décennie. Celle-ci préconise notamment des économies de 30 % en eau d’irrigation et de 20 % en eau potable, la généralisation du système d’irrigation au goutte-à-goutte, l’extension du traitement des eaux résiduelles domestiques et leur réutilisation dans l’agriculture et les espaces verts. Elle prévoit également une augmentation annuelle de 15 % du prix de l’eau d’irrigation, cela afin d’inciter les agriculteurs à adopter des systèmes plus économes. Bien que ce prix soit largement en deçà du coût de mobilisation, cette mesure risque, à la longue, de se révéler impopulaire si elle n’est pas accompagnée d’actions de sensibilisation et, par exemple, d’une prise en charge intégrale des systèmes de goutte-à-goutte pour les petits paysans, actuellement subventionnés à hauteur de 60 %.

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