Mufti se conjugue au féminin

En Inde, des femmes peuvent désormais édicter des fatwas et enseigner la charia.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 2 minutes.

C’est une première dans l’histoire de l’islam. En Inde, des femmes peuvent désormais devenir muftis, et donc édicter des fatwas (décrets religieux). Pour former ces muftias, un établissement a ouvert ses portes le 21 septembre dernier à Hyderabad, dans le centre de l’Inde. À cette occasion, trois femmes ont été nommées professeur après avoir suivi un enseignement strict de deux ans dans une madrassa, ou école théologique. Elles doivent connaître parfaitement les lois de la religion musulmane – la charia – afin de guider tout musulman et toute musulmane voulant adopter une conduite conforme au dogme. C’est pourquoi la formation dispensée par cette nouvelle école de « guidance religieuse » – dar-ul-iftah – durera dix ans.
Le fait que ces « experts » aient toujours été des hommes a jusqu’alors empêché les Indiennes musulmanes de se confier et de s’exprimer librement. « Devant eux, elles doivent être couvertes de leur purdah (un voile intégral) et font preuve d’une pudeur telle qu’elles n’osent pas aborder les problèmes qui les concernent. Que leur interlocuteur soit désormais une femme rend les choses plus faciles », explique le directeur du centre de formation, Moulana Hafiz Mohamed Mastan. Plus encore, « cela va permettre aux femmes de construire leurs propres opinions, ce qui est fondamental. »
Durant les deux heures de consultation qu’elles accordent quotidiennement aux femmes musulmanes, les muftias sont voilées de la tête aux pieds et portent même des gants noirs. De toute manière, elles ne sont pas là pour révolutionner l’islam. Âgée de 22 ans, Nazima Aziz, l’une des trois muftias, explique : « Nos fatwas ne servent pas à rendre les femmes heureuses ou malheureuses. Nous ne faisons que répéter ce que les textes disent. Notre objectif premier est de promouvoir l’islam, et non pas la solidarité féminine. » Seule concession à la modernité : Internet. L’école de quatre étages, construite dans le quartier musulman délabré de la ville et d’une capacité d’accueil de deux mille femmes, dispose d’un réseau informatique puissant connecté à la Toile, ainsi qu’un gigantesque centre de documentation.
La première fatwa édictée par les trois muftias d’Hyderabad a trait à la coquetterie. Nazima Aziz, Rizwana Zarreen et Sayeeda Fathima ont rappelé que la charia n’interdisait pas aux femmes de se maquiller et d’être belles. En revanche, selon elles, il leur est interdit de s’épiler, de porter des lentilles de couleur et de se décolorer les cheveux. Plus que sur l’aspect physique, les muftias auront à répondre aux nombreuses interrogations des femmes sur des sujets plus importants, tels que le mariage ou l’éducation des enfants. Elles devront par exemple statuer sur le fait qu’un mari paie ou non les frais de voyage de son épouse partie rendre visite à ses parents sans son autorisation. La féminisation de la fonction de mufti pourrait alors aider les femmes à s’affirmer au sein d’une société dominée par les hommes.

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires