Bénin : « On ne peut plus nier la réalité du phénomène jihadiste »
Les récentes attaques qui ont frappé le nord du pays tendent à prouver que le Bénin est la nouvelle cible d’organisations terroristes qui sévissent dans le Sahel, estime Emmanuel Odilon Koukoubou, spécialiste des politiques de sécurité au Civic Academy for Africa’s Future.
Les attaques qui ont frappé des patrouilles de rangers d’African Parks et des soldats béninois dans le parc du W, près de la frontière avec le Burkina, sont les plus meurtrières que le Bénin a enregistré. Neuf personnes, dont un ancien militaire français travaillant pour Afrikan Parks, ont été tués. Jusque-là considéré comme relativement épargné par le phénomène – les experts alertaient néanmoins depuis plusieurs mois sur l’utilisation du pays comme d’une « base arrière » par certains groupes jihadistes –, le pays semble être devenu une cible.
Spécialiste des questions de sécurité, notamment assistant de recherche au Civic Academy for Africa’s Future (Académie civique pour le futur de l’Afrique, ou Ciaaf), le politologue Emmanuel Odilon Koukoubou analyse les implications de ces récentes attaques. Tout en mettant en garde contre le fait de tirer des conclusions trop hâtives tant les informations manquent encore sur l’identité des assaillants – aucune des attaques n’a pour l’heure été revendiquée –, le chercheur insiste sur la nécessité de réagir, tant sur le plan militaire que du développement, pour éviter un enracinement du phénomène.
Jeune Afrique : La nouvelle attaque qui a frappé la zone frontalière entre le Bénin, le Burkina Faso et le Niger était-elle prévisible ?
Emmanuel Odilon Koukoubou : On ne peut plus nier la réalité du phénomène jihadiste au Bénin. Il y a un an déjà, dans un article que nous avons cosigné avec Expédit Ologou, le Civic Academy for Africa’s Future (CiAAF) alertait déjà sur le fait que les parcs du W et de la Pendjari présentaient toutes les caractéristiques pour être le prochain « hub » du terrorisme sahélien. D’autres chercheurs ont également fait état de mouvements de groupes jihadistes sur le territoire béninois.
Les autorités béninoises sont conscientes de la situation, mais la communication gouvernementale a, jusqu’ici, semblé en deçà de l’ampleur du phénomène. L’objectif était certainement de ne pas affoler les populations… Mais il est clair que l’on ne peut plus adopter une telle posture de minimisation du risque, pas plus, évidemment, que l’on ne peut être dans le déni de la réalité.
Pensez-vous que le risque jihadiste a été, jusqu’ici, sous-évalué ?
La réaction du gouvernement a été immédiate et vive. Pour la première fois, il y a eu un conseil des ministres extraordinaire, élargi au haut commandement militaire. Et le communiqué qui en est sorti évoque la gravité du sujet et montre l’engagement des autorités. Cela marque une évolution dans la communication gouvernementale.
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