Les travaux de Konan Banny

Au cours d’une fastueuse conférence de presse, à Paris, le patron de la Banque centrale a beaucoup parlé de l’état de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) et… de la Côte d’Ivoire.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Plus de trois cents personnes (journalistes, financiers, hommes d’affaires et représentants du « microcosme » franco-africain) ont assisté, le 28 octobre, dans les salons du pavillon d’Armenonville, à Paris, à la conférence de presse de Charles Konan Banny, le gouverneur de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). Conscient de l’importance de son rôle de grand argentier de l’Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA), Konan Banny avait fait les choses en grand. Objectif affiché de ce raout médiatique : informer l’opinion de la situation économique et monétaire de l’Union, au lendemain du Conseil des ministres de la zone, à Bamako (Mali), et de la réunion des responsables des Finances de la zone franc (à Paris, en septembre).
Pourtant, comme on pouvait s’y attendre, l’ordre du jour a été phagocyté par le dossier de la Côte d’Ivoire, « un pays, a rappelé le gouverneur [qui est lui-même de nationalité ivoirienne], qui représentait la moitié des principaux agrégats économiques et monétaires de l’UEMOA ». « Heureusement que nous avons l’Union, s’est-il félicité, car la crise que traverse ce pays est profonde et risque de le désarticuler. L’Union, c’est bien davantage que la juxtaposition de huit pays, elle la transcende. »
Alternant le ton léger et humoristique qui lui est habituel et une certaine gravité lorsque les journalistes l’ont interrogé à propos des attaques dont les agences de la BCEAO sont l’objet dans le nord et l’ouest de la Côte d’Ivoire, Konan Banny a concédé que les performances de la zone seront, cette année, insatisfaisantes : plombée par la récession ivoirienne (- 3 % environ, selon l’UEMOA), la croissance ne devrait pas dépasser 1,9 %. Nettement insuffisant pour réduire la pauvreté, même si, individuellement, tous les autres pays de l’Union bénéficient d’une croissance plus ou moins forte. Quant à la situation monétaire, les populations, à en croire Konan Banny, peuvent dormir tranquille : « Le taux d’inflation sera, cette année, d’environ 1,9 %. Or c’est la stabilité des prix qui assure la sauvegarde de la valeur de la monnaie [le franc CFA]. »
Surpris par le faste de la conférence de presse (et du « cocktail dînatoire » qui l’a suivie), les journalistes n’ont pas manqué de s’enquérir d’une éventuelle entrée en politique du gouverneur, à l’approche de la présidentielle ivoirienne d’octobre 2005. Les services de communication de la BCEAO, qui avaient modérément apprécié de lire dans les colonnes de J.A.I. (n° 2231) que Konan Banny s’apprête à « sortir du bois » à cette occasion, ont catégoriquement démenti. Selon eux, une rencontre en tout point semblable à celle du 28 octobre avait été organisée, à Paris, le 12 juillet 2001, sans que personne ne fasse le lien avec l’actualité politique ivoirienne. Le patron de la Banque centrale ne s’est cependant pas complètement dérobé : « Je ne m’interdis rien du tout, a-t-il indiqué. Aujourd’hui, je m’efforce de bien diriger la BCEAO. J’ai l’obligation de respecter ceux qui m’ont fait confiance et qui ne sont pas tous ivoiriens. Si les causes que je défends vous semblent porteuses d’espoir, on verra bien à la fin de mon mandat [le 31 décembre 2005]. »
Du coup, il n’a pas eu le temps de s’appesantir sur un projet qui lui est cher : la création de la Banque régionale de solidarité (BRS-SA), dont la mission consistera à accorder des financements à des taux intéressants à de petits entrepreneurs. Il s’est également montré peu disert, volontairement cette fois, sur un autre sujet capital : la réforme de la BCEAO, sur laquelle planche un comité ad hoc composé d’économistes de Banques centrales étrangères, d’universitaires et de fonctionnaires français. Et pour cause : les changements souhaités par le gouverneur viseraient à renforcer l’indépendance de la BCEAO par rapport aux autorités politiques, mais aussi à atténuer l’influence, toujours prépondérante, de la France au sein des instances de décision. Certains vont jusqu’à évoquer sa volonté de « passer en force ».

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