« Le stade est sous-exploité »

Interview de l’architecte tunisien Riadh Bahri, concepteur du stade olympique du 7-Novembre et du complexe de natation de Radès.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

jeune Afrique/l’intelligent: Comment est né le projet de Cité sportive de Radès ?
Riadh Bahri : Il a été conçu dès 1992 pour appuyer la candidature tunisienne à l’organisation des jeux Méditerranéens de 1997. La ville italienne de Bari fut finalement retenue, mais Tunis hérita de l’édition 2001. En 1995, un concours fut lancé pour la construction d’une Cité sportive comprenant un stade de 60 000 places, une piscine, deux salles couvertes, un central de tennis et un stade d’athlétisme. La première étape portait sur le grand stade.
J.A.I. : Comment avez-vous procédé pour remporter l’offre ?
R.B. : J’ai choisi de constituer une équipe multinationale, avec des partenaires coréens, espagnols et néerlandais. Je me suis ainsi associé à la société Arcadis, qui, à l’époque, achevait de construire l’Arena Stadium d’Amsterdam. Pour gagner, il fallait pouvoir édifier un stade pas cher. Au même moment, on construisait le Stade de France (80 000 places) pour 600 millions de dollars (510 millions d’euros) – soit un prix de revient par siège à 7 500 dollars -, et l’Arena Stadium pour 170 millions (2 800 dollars le siège). Le Camp Nou de Barcelone et San-Siro à Milan étaient revenus à 3 000 dollars le siège. J’ai proposé un ouvrage à 120 millions de dollars, soit 2 000 dollars le siège.
J.A.I. : Quelle en était votre conception ?
R.B. : Je voulais un stade complètement couvert, dont la réalisation devait faire appel à la technologie néerlandaise, au génie civil espagnol et au savoir-faire coréen pour la toiture. Je souhaitais une touche locale, sans céder au folklore. Le projet architectural était un stade en forme de coquille, avec une couverture transparente (évoquant une tente) pour qu’il y ait 50 % d’ombre et autant d’ensoleillement. Le paysage urbain étant plat, il fallait éviter toute verticalité. La toiture a donc été suspendue par des câbles reliés à huit pylônes amovibles.
La maintenance locale n’étant pas aussi perfectionnée qu’en Europe, nous n’avons pas eu recours à des équipements hypersophistiqués, qui seraient tombés en panne au bout d’une année. D’où une ventilation mécanique et une utilisation maximale de l’éclairage et de l’aération naturels. Les accès sont facilités par un système de double parvis, les 60 000 spectateurs ont à leur disposition 12 000 places de parking, 40 unités sanitaires et 60 buvettes.
J.A.I. : Avez-vous fait appel à des entreprises tunisiennes pour les travaux ?
R.B. : Elles en ont sous-traité une bonne partie : le ferraillage, le coffrage, le bétonnage, les installations électriques, la climatisation… Les gros équipements ont été importés. Les fondations ont été coulées par une société espagnole. Elles répondent aux normes parasismiques internationales, chose rare en Tunisie.
J.A.I. : Vous avez aussi hérité de la piscine olympique…
R.B. : Un concours international avait été lancé pour construire le complexe de natation. J’y avais pris part avec l’architecte espagnol Joaquin Pujol, un expert de réputation mondiale qui a à son actif les piscines de Madrid, de Barcelone et de Rio de Janeiro. Nous l’avons remporté et les travaux – deux bassins (indoor et outdoor) aux dimensions homologuées – ont été exécutés en dix-huit mois par trois entreprises : deux tunisiennes et une coréenne, là encore pour la toiture.
J.A.I. : Le grand stade n’est pas fréquemment utilisé. N’est-ce pas préjudiciable à sa rentabilité ?
R.B. : Je ne m’occupe pas de son exploitation. La gestion de la Cité du 7-Novembre est l’affaire du ministère des Sports. Mais je constate comme vous que le stade est sous-exploité. Un concessionnaire qui parviendrait à y organiser deux grands spectacles artistiques et un match de gala chaque mois pourrait, en vendant le billet à 10 dinars (5 % du SMIG), récolter 1,8 million de dollars. Sachant que l’exploitation en récupère le tiers, il reste 1,2 million de dollars. Le stade en ayant coûté 120 millions, il suffirait donc d’environ dix ans pour rentabiliser l’investissement. Reste que cette rentabilisation est liée à l’évolution du niveau du football tunisien et à la qualité du spectacle sportif.

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