Les OGM devant les juges belges

Monsanto, géant des biotechnologies, riposte après la destruction de ses champs. L’avenir de ces expérimentations dépend du verdict.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Le dernier acte d’un procès déclenchant les passions en Belgique se jouera le 27 novembre. Les avocats du plaignant, le géant américain de la biotechnologie Monsanto, et ceux de ses treize adversaires présenteront leurs plaidoiries. La 10e chambre du tribunal correctionnel de Namur décidera ensuite du sort des militants anti-OGM (organismes génétiquement modifiés), poursuivis pour avoir commis des actes de « violation de domicile », « méchamment coupé ou dévasté » des cultures de colza, d’orge de printemps et de blé d’hiver, et « ravagé » des semis de maïs et de betteraves.
Le conflit, qui ressemble à s’y méprendre à l’affaire José Bové survenue en France, commence le 7 mai 2000. Pour clôturer « en beauté » un Festival de résistance aux OGM, les participants organisent une « décontamination ». Ils se rendent dans une localité à proximité de Namur, Franc-Waret, qui abrite un centre d’expérimentation de Monsanto. Au son d’une musique du groupe « René Binamé et les roues de secours », les manifestants arrachent les plants. Les dégâts causés aux implantations obligent Monsanto à fermer ce centre.
Outrée, la direction du groupe biotechnologique porte plainte contre treize des quelque deux cents participants à l’arrachage, et réclame 137 500 euros de dommages-intérêts.
Tel un détonateur, l’action en justice dope la fougue militante des anti-OGM, qui portent l’affaire sur le terrain idéologique. Et donnent au procès la dimension d’un vrai débat de société entre les partisans de l’ordre naturel et les adeptes de la mutation du vivant. Le jour de l’audience d’ouverture du procès, le 10 mars dernier, le palais de justice de Namur est pris d’assaut par des centaines de manifestants, scandant des slogans anti-OGM. Parmi les témoins appelés à la barre, le député européen Paul Lannoye ravit la foule, en fustigeant « les catastrophes environnementales et humaines provoquées par l’activité de Monsanto » et en saluant « l’incidence bénéfique des interventions de la société civile sur l’évolution de la législation européenne en matière d’OGM ».
Lors de l’audience du 6 octobre, des spécialistes aussi divers que le producteur d’endives français Gabriel Dewael, l’agriculteur canadien Percy Schmeiser et le chercheur à l’Institut national de recherche agronomique (INRA, France) Jean-Pierre Berlan se sont succédé au prétoire pour apporter leurs lumières dans des débats qui, de plus en plus, prennent l’allure d’un véritable procès des OGM. Les treize militants poursuivis semblent être oubliés, au profit d’une évaluation des pertes et profits de l’activité du plaignant Monsanto.
Pour peser davantage sur le procès, les militants consolident la mobilisation, en utilisant les moyens les plus symboliques possible. Des repas gratuits, forcément bio et végétariens, ont ainsi été distribués aux manifestants, au cours de la journée du 6 octobre. Après l’audience, la stratégie de communication s’est poursuivie par un « point info », animé par les témoins et les inculpés. Et, comme pour profiter au maximum de l’occasion de ce conflit surmédiatisé vulgarisant la cause anti-OGM, les alter ego belges de José Bové multiplient ce qu’ils appellent des « conférences-combats ».
Au-delà des effets d’annonce et des gesticulations des différents protagonistes, l’enjeu du procès est bien réel. De la décision du 27 novembre dépendra, en grande partie, l’avenir de l’agriculture génétiquement modifiée en Belgique. Car le verdict va établir une jurisprudence dans ce domaine et risque d’influer également sur la législation en matière d’expérimentation transgénique, l’acte jugé constituant la première attaque, dans ce pays, contre ce type de culture. D’autant que le précédent de Franc-Waret a déjà fait des émules : une douzaine de champs « tests » ont été sabotés par des personnes non identifiées un peu partout dans le pays. Une centaine de communes ont même adopté des motions pour interdire l’implantation de telles installations sur leur territoire, et ainsi éviter les nombreuses polémiques survenues dans les localités où il en existe.
Cette situation a conduit les entreprises de biotechnologie agissant dans le pays à annoncer, par la voix du lobby BelgoBiotech, la suspension provisoire de toutes leurs expérimentations. Monsanto a de son côté annoncé la réduction de ses activités en Europe dans le domaine des semences de blé et d’orge. Le mot d’ordre : attendre de voir si la décision de justice va privilégier l’impunité des militants, ou la protection de l’activité de développement des transgènes.

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