Les hirondelles sont en route

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Une seule hirondelle ne fait pas le printemps, mais quelque chose est en train de se passer dans le marécage politique israélien. En cette saison de continuel mécontentement, beaucoup de signes indiquent que la société israélienne prend peu à peu conscience que les choses ne peuvent plus – et en tout cas ne doivent plus – continuer de suivre la voie actuelle des enfermements politiques, des futiles représailles militaires et d’une direction incompétente. En d’autres termes, que nous ne pouvons plus nous dérober à toute chance de changement.
Le nouvel activisme politique doit ici être souligné. Il n’y a pas à en dire beaucoup, sinon par comparaison avec le bilan du Parti travailliste au cours des dernières années ; depuis la chute du cabinet Barak, l’opposition était tombée dans le coma. Elle commence aujourd’hui à se réveiller. Ce qui s’est passé avec Shimon Pérès, la semaine dernière, illustre bien ce changement, parce que Pérès personnifie le parti. Après quelques commentaires incompréhensibles sur le « pacte de Genève » conçu par son ancien disciple, lors de la session d’ouverture de la Knesset, il a finalement donné à l’initiative de Yossi Beilin le crédit qu’elle mérite. Ainsi est-il le premier à reconnaître que si une solution peut être trouvée et si le Labour, avec les autres partis de gauche, en arrivent à mettre au point un sérieux programme politique, celui-ci ne peut reposer que sur un projet du type de celui que proposent Beilin et Abed Rabbo. On dirait que la voix de l’opposition a tout à coup changé : de vides récriminations politiques, elle est passée à des textes réfléchis qui méritent une réelle discussion.

Autre signe de changement : la fatigue que commence de ressentir l’opinion à l’égard des thèmes rituels du Likoud. Même le plus innocent ne peut être abusé en y voyant autre chose qu’une tromperie manifeste, sinon un véritable tissu de mensonges. Quand Sharon assure à la Knesset qu’il y a une « véritable chance » d’en finir avec l’impasse actuelle « dans les quelques prochains mois », il n’y a pas d’autre choix que de rire ou de crier. Dans le même temps, en attendant cette rupture, les arguments opposés par la droite au pacte de Genève (et à tout accord final) ont atteint des sommets de haine. Le député Shaul Yahalom [du Parti national religieux], se réveillant à l’improviste de sa somnolence habituelle, a prié l’avocat général d’ouvrir une enquête pour trahison sur les auteurs de l’initiative en évoquant la condamnation appropriée en temps de guerre : la mort. Le simple fait que le nouveau document choque à ce point un Yahalom est une bonne indication pour les Israéliens lassés du Likoud quant aux possibilités qu’ouvre cet accord. […] Presque la moitié des participants à un sondage conduit cette semaine par Ma’ariv approuvaient l’accord de Genève ou n’exprimaient aucune opinion, tandis que 54 % se disaient déçus du bilan de Sharon. […]

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Il est trop tôt pour les slogans, mais celui de Sharon sur « la paix et la sécurité » s’efface progressivement devant l’image en miroir d’un autre slogan du Likoud. Beaucoup d’Israéliens en arrivent à juger qu’« il n’y a pas d’interlocuteur à droite ». La politique de Sharon s’est retournée contre lui, tandis qu’il verse le sang de ses partisans dans les rues et dans les Territoires. Trois ans ont suffi pour démonter que rien ne justifie leur sacrifice. Il faudra plus longtemps que les « quelques mois » de sa dernière promesse vide pour sortir de l’impasse où il a enfermé son pays. Il n’y a pas encore de bouleversement politique. Mais les hirondelles, décidément, semblent en route.

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