Le nerf de la paix

En attendant l’éventuelle reprise de l’aide internationale, le nouveau régime vit d’expédients. Et peine à payer ses fonctionnaires.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Après plus d’un mois de palabres, le « Dialogue national centrafricain » s’est achevé le 27 octobre, à Bangui. Reste à poursuivre le processus de transition, qui ne s’achèvera que dans dix-huit mois. D’ici là, le retour à l’ordre constitutionnel se fera par étapes. Entre les mois de novembre 2004 et d’avril 2005 se tiendront les élections municipales, législatives et présidentielle. De la crédibilité de ces scrutins dépendra la reprise de la coopération pleine et entière des bailleurs de fonds.
Une première embellie est toutefois perceptible, sur ce front. Le 21 octobre, l’Agence française de développement (AFD) a octroyé à la République centrafricaine un don de 3,28 milliards de F CFA (6 millions de dollars) en vue de la remise en état des barges de la Société centrafricaine de transport fluvial (Socatraf), qui assure le transport des passagers et des marchandises sur l’Oubangui et le Congo, jusqu’à Brazzaville. Par ailleurs, l’AFD vient de relancer un projet d’assainissement et de réhabilitation de la voirie dans la capitale. Les autorités centrafricaines espèrent à présent que les Français feront des émules. Car c’est d’une reprise rapide de la coopération avec l’Union européenne qu’elles ont le plus urgent besoin. Bruxelles doit se prononcer sur ce point dans les prochains jours. L’aide européenne avait été interrompue en vertu de l’article 96 de l’Accord de Cotonou, qui sanctionne les régimes putschistes.
En attendant, le gouvernement d’Abel Goumba s’efforce de boucler ses fins de mois avec les moyens du bord. En juillet, août et septembre, il a éprouvé les plus grandes difficultés à réunir les quelque 2,5 milliards de F CFA (3,8 millions d’euros) nécessaires au paiement des dix-neuf mille fonctionnaires. En comptant les pensions et les bourses, ce sont 3,5 milliards de F CFA que l’État doit débourser chaque mois, alors que son budget global de fonctionnement est à peine supérieur à 4 milliards. Pourtant, lors de sa prise du pouvoir, le général François Bozizé s’était engagé à payer « à terme échu » le traitement des agents de la fonction publique, alors que ceux-ci cumulent jusqu’à trente-six mois d’arriérés de salaires. Jusqu’à présent, il n’est parvenu à tenir, tant bien que mal, ses engagements qu’avec l’aide de la Chine et de ses voisins de la Communauté économique et monétaire des États de l’Afrique centrale (CEMAC). Réunis au mois de juin à Libreville, les chefs d’État membres de la CEMAC ont promis une enveloppe de 5 milliards de F CFA. Mais les gouvernements camerounais et équatoguinéen ayant tardé à verser leur quote-part, des difficultés de trésorerie sont aussitôt apparues.
Faute d’une mobilisation massive des ressources financières, le pays ne peut espérer mettre en oeuvre un véritable plan de reconstruction avant 2005. Actuellement, le taux de recouvrement fiscal et douanier plafonne à 4 % du PIB – chiffre extrêmement faible. En fait, les recettes propres du pays atteignent péniblement 2 milliards de F CFA par mois. Certes, la croissance devrait atteindre 3,3 % en 2003, selon les estimations de la Banque des États de l’Afrique centrale, mais le tissu économique ayant été consciencieusement pillé, cette progression demeure très insuffisante au regard des besoins du pays. Pour assainir l’activité, le gouvernement a organisé, au mois de juillet, des états généraux des filières bois et diamant. Mais les résultats escomptés ne se feront pas sentir avant plusieurs mois. Par ailleurs, les autorités s’efforcent de relancer l’investissement privé. De ce point de vue, la venue à Bangui, au mois d’août, de Michel Roussin, vice-président du groupe Bolloré et responsable pour l’Afrique du patronat français (MEDEF), est encourageante. Mais, là encore, il faudra du temps.
Dans l’immédiat, le nouveau régime va donc devoir vivre d’expédients. Et solliciter l’aide ponctuelle de pays amis pour tenir jusqu’aux élections – qu’il faudra bien financer, elles aussi…

La Matinale.

Chaque matin, recevez les 10 informations clés de l’actualité africaine.

Image

Contenus partenaires