L’avenir de la communauté ne se joue pas en Palestine

Publié le 3 novembre 2003 Lecture : 2 minutes.

Mahathir Bin Mohamad a fait les titres de la presse mondiale en déclarant dans son discours de l’Organisation de la conférence islamique que « les Juifs gouvernent le monde ». Ce mensonge éculé de la propagande antijuive a détourné l’attention des nombreuses remarques pertinentes que Mahathir a faites dans une intervention aussi critique à l’égard des musulmans que des Juifs. Plus important, cette attaque déplacée a laissé dans l’ombre le vrai problème qui se pose aujourd’hui au monde musulman.
Mahathir est connu pour son franc-parler, et les efforts qu’il déploie pour être à la hauteur de sa réputation font souvent oublier des déclarations et un bilan dignes d’admiration. Au cours des vingt-deux ans où il a été au pouvoir, Mahathir a fait de la Malaisie un État musulman moderne, prospère et tolérant, doté d’un système démocratique qui, bien qu’imparfait, se compare favorablement à n’importe quel autre pays d’Asie. Dans les propos qu’il a tenus à la rencontre triennale des chefs d’État musulmans, Mahathir a soumis ses invités à sa célèbre franchise. Il leur a rappelé que Mohammed avait tendu la main aux non-musulmans et que la tolérance avait été longtemps la règle dans les pays musulmans. Médecin de formation, il a évoqué l’âge d’or de la civilisation islamique alors que l’Europe était en plein Moyen Âge, et rappelé que les savants musulmans ont tourné le dos à la connaissance scientifique, dont ils avaient été les pionniers, pour s’enfermer dans une pratique religieuse qui persiste aujourd’hui. Il s’en est pris également à ceux qui expliquent que si les musulmans sont « pauvres, arriérés et faibles », c’est « par la volonté d’Allah ». Mahathir a aussi reproché aux musulmans de s’emporter aveuglément contre leurs ennemis au lieu de se donner le temps de la réflexion comme le font les Juifs. Pour lui, il faut renoncer à l’intégrisme et aux attentats suicide, et pratiquer une politique de modernisation et de coexistence avec les non-musulmans. C’est ainsi que le monde musulman se sortira de la pauvreté et évitera que ne se creuse avec l’Occident un fossé qui ne fait le bonheur que des radicaux des deux côtés. Mais même si l’on écarte la partie antisémite du discours, l’intervention du Premier ministre pose cependant un problème.
Bien qu’il croie à la modernité, Mahathir embarque tous les musulmans dans la vieille querelle entre Israéliens et Palestiniens. Il a affirmé à maintes reprises que c’est un problème « majeur » pour tous les musulmans. Il n’en est rien. Sur le 1,3 milliard de musulmans que compte la planète, la moitié vivent en Asie, où cette dispute entre cousins pour quelques arpents de désert n’a aucun intérêt.
Faire dépendre le progrès et l’unité des musulmans du règlement de ce conflit est faire le mauvais choix. Au lieu d’insulter gratuitement les Juifs, Mahathir aurait dû avoir la chutzpah – « l’intelligence » – d’inviter ses homologues à prendre des risques chez eux et à suivre l’exemple de la Malaisie. Faire de l’interminable querelle israélo-palestinienne l’alpha et l’oméga du calendrier islamique, c’est remettre le destin de la Oumma entre des mains qui ne sont pas les nôtres.

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