La Tunisie ? Un éternel chantier

Pour s’adapter aux évolutions économiques, les infrastructures maritimes, ferroviaires et aéroportuaires connaissent de profondes mutations.

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 6 minutes.

Le secteur des transports est en pleine mutation. « Nous passons, précise Salem Miladi, directeur général de la planification au ministère des Transports, d’une logique en termes d’usagers à une logique en termes de clients. » L’objectif est donc d’offrir un service de qualité au moindre coût. « Des réformes, ajoute-t-il, ont été engagées dans les domaines réglementaire, institutionnel et technique, afin d’améliorer la compétitivité du secteur et de faire face à la concurrence », résultant de la plus grande ouverture de l’économie tunisienne.

Ports
Le pays dispose de sept ports de commerce, soit environ un tous les 100 km de côte, par où passent 95 % des échanges internationaux de la Tunisie. La question de la compétitivité est donc vitale. Aussi, la stratégie menée par les autorités est-elle centrée sur le développement et l’aménagement des infrastructures, l’optimisation des coûts de passage, l’amélioration des moyens logistiques, et une plus grande insertion des opérateurs privés à travers le développement de projets en concession. Au cours des années 1992-2002, le trafic maritime est en effet passé de 19,4 millions de tonnes à 28 millions de tonnes (auxquels il faut ajouter 478 000 passagers). En 2002, quelque 7 214 navires ont été nécessaires pour en assurer le transport. Cette croissance importante se double d’une profonde modification de la structure des échanges. Désormais, la Tunisie importe de plus en plus de biens d’équipements, de produits chimiques et sidérurgiques. De même, elle exporte davantage de ciment et de produits des industries mécaniques. Cette évolution traduit également la baisse des exportations textiles et d’hydrocarbures. Par ailleurs, l’évolution de l’économie mondiale et le développement des stratégies de flux tendus et de stocks zéro chez les différents partenaires interdisent tout retard. Cela impose une mutation dans la logistique, qui a conduit le secteur maritime tunisien à prendre différentes mesures d’amélioration des conditions de travail dans les ports, de simplification et de facilitation des procédures relatives au mouvement de transit des marchandises.
Pour faire face au développement des navires rouliers (60 000 unités) et des conteneurs – plus de 2 millions de tonnes et 280 000 conteneurs EVP (équivalents vingt pieds) en 2002 -, des actions particulières ont été engagées sur le port de Radès, qui reçoit plus de 92 % des chargements conteneurisés et traite plus de 1 500 navires par an. En 2003, il sera procédé à l’extension du quai 7, et des scanners pour le contrôle des conteneurs seront mis en place. Un terminal leur sera dédié d’ici à 2010. Dans la plupart des ports, on passe progressivement des quais polyvalents et généraux aux quais spécialisés. C’est le cas à Tunis-Goulette, où ceux-ci sont optimisés, et où l’élargissement et l’approfondissement du chenal sont en cours. Même chose au port de Bizerte-Menzel Bourguiba, où le terminal pétrolier sera étendu d’ici à 2010.
La Compagnie tunisienne de navigation (CTN) est un acteur essentiel du secteur. Elle dispose de deux navires rouliers pour le transport de marchandises, de deux car-ferries, pour le transport des passagers, et d’un navire vraquier pour l’activité tramping (transport maritime à la demande). L’entreprise a renforcé sa flotte en affrétant trois autres rouliers et un ferry supplémentaire. Et les efforts semblent porter leurs fruits. En 2002, la CTN était classée à la 330e place sur 500 entreprises africaines (tous secteurs confondus), soit une amélioration de neuf places par rapport à 2001. Dans le seul domaine des transports, l’entreprise occupait la 10e place en Afrique.

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Chemin de fer
Le réseau ferroviaire tunisien, long de 2 256 km, transporte chaque année 13 millions de tonnes de marchandises et 37 millions de passagers. Il a, lui aussi, dû s’adapter à la concurrence du transport routier. Le ferroviaire urbain s’est engagé dans trois projets prioritaires. Le réseau de la Société du métro léger de Tunis (SMLT), qui compte déjà cinq lignes, sera étendu vers la zone El Mourouj, le campus universitaire de la Manouba et la Cité sportive du 7-Novembre. La réalisation du tronçon dans le centre-ville de Tunis devra permettre plus de fluidité et une meilleure prise en charge de la demande, en coordination avec le réseau de bus. L’électrification du réseau banlieue sud de Tunis, sur une longueur de 23 km, comprenant dix-sept gares, nécessitera l’acquisition de quinze trains électriques. Chacun se composera de cinq voitures d’une capacité de mille voyageurs. Par ailleurs, les études concernant le futur RFR (Réseau ferroviaire rapide) sont achevées (les lignes sont en cours d’évaluation technique) pour desservir les quartiers périphériques les plus peuplés Fouchana-M’Hamdia, Zouhour-Zahrouni, M’Nihla. L’objectif étant de les terminer d’ici à la fin du Xe plan (2002-2006).
Mais, de façon générale, le secteur dépend fortement de la santé de la Société nationale de chemins de fer tunisiens (SNCFT). Celle-ci avait vu son trafic global et ses recettes régresser en 2001 et en 2002. En redressement depuis lors, l’entreprise a poursuivi son effort pour rationaliser sa gestion, ses ressources humaines et ses investissements. Ces derniers, qui ont représenté 50 millions de dinars (33,8 millions d’euros) en 2002, ont été consacrés à différents projets d’infrastructures, dont l’achèvement de passages souterrains (Ezzahra), la consolidation des ouvrages d’art et des voies sur l’axe Tunis-Gabès, les travaux de terrassement et d’ouvrages d’art sur la nouvelle ligne Kalaa Sghira-Msaken et l’acquisition de matériel pour le renouvellement de 26 km de voies sur la ligne Tunis-Ghardimaou.
En 2003, le plan de redressement se poursuit. L’objectif est de retrouver rapidement un équilibre financier. Parallèlement, l’enveloppe dédiée aux investissements s’est montée à 72 millions de dinars, dont 60 millions pour les seules infrastructures. L’aménagement ferroviaire de la région du Sahel permettra d’éviter la traversée du centre-ville de Sousse et de créer une ligne directe Kalaa Sghira-Msaken, ce qui raccourcira le trajet de 8,5 km et fera gagner dix-sept minutes aux usagers. Différents travaux permettront par ailleurs de remplacer les passages à niveau dangereux, de renouveler voies et ouvrages d’art, et de mécaniser l’entretien. En relevant ce défi, la SNCFT serait plus à même d’atteindre les objectifs qui lui ont été fixés par le Xe Plan. À savoir, notamment, de réaliser un chiffre d’affaires de 160 millions de dinars en 2006, au lieu de 144 millions en 2003.

Aéroports
À première vue, le nombre des infrastructures aéroportuaires paraît bien démesuré par rapport à la taille du pays. Les sept aéroports internationaux que compte la Tunisie ne sont, en effet, séparés les uns des autres, en moyenne, que par une centaine de kilomètres. Et pourtant, plusieurs d’entre eux, déjà saturés, ont entrepris des travaux d’extension. Cette offre pléthorique se justifie doublement. D’abord parce que la Tunisie accueille plus de 2 500 entreprises étrangères, et qu’il convient de mettre à leur disposition tous les moyens d’accès nécessaires. Ensuite parce qu’elle est la première destination touristique sur la rive sud de la Méditerranée, et la deuxième (après l’Afrique du Sud) sur le continent africain. Chaque année, plus de 5 millions de visiteurs foulent son sol, plus des deux tiers effectuant le voyage par avion. Mieux : le secteur devrait connaître les prochaines années une croissance annuelle de l’ordre de 6 % à 7 %.
Quatre aéroports se sont ainsi développés grâce à la multiplication des vols charter : Tunis-Carthage (qui brasse également une clientèle d’affaires), Monastir-Skanes, Djerba- Zarzis et Tabarka. Ces trois derniers présentent l’énorme avantage d’être situés à quelques centaines de mètres seulement des stations balnéaires du même nom. Des « aéroports les pieds dans l’eau », en quelque sorte.
Un huitième aérogare est en projet, à Enfidha, à 70 kilomètres au sud de Tunis. Mounir Boumessouer, directeur général des infrastructures au ministère du Développement économique et de la Coopération internationale, assure qu’il sera le plus grand sur le continent. Il affichera, dans sa dernière phase, une capacité de 30 millions de passagers, soit près de trois fois la capacité des sept aéroports actuellement en service. « C’est l’un des grands projets dits de nouvelle génération, choisis pour attirer les investisseurs étrangers », explique-t-il. De fait, cet aéroport du Centre-Est sera mis en concession, selon la formule BOT (Build, Operate and Tranfser). L’appel d’offres et le cahier des charges sont en cours de finalisation. L’investissement requis est tel (585 millions de dinars) qu’il ne peut intéresser que des étrangers, désireux de tirer parti d’un site distant d’une quarantaine de kilomètres de chacune des deux grandes stations balnéaires que sont Hammamet et Sousse-Kantaoui. L’aéroport d’Enfidha peut, en outre, se positionner comme hub, à la fois sur le plan régional et pour les vols internationaux. Et jouer, en somme, un rôle équivalant à celui de l’aéroport de Dubaï, posé en plein milieu de la Méditerranée.

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