Hassan II lance la Marche verte

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

Le 6 novembre 1975 à l’aube, un cortège de 350 000 Marocains s’ébranle dans le désert pour une marche qui durera plusieurs jours. « Cela correspond au nombre de naissances annuelles au Maroc, a expliqué le roi Hassan II. J’ai pensé qu’il m’était permis d’engager la moisson solennelle que Dieu nous donne pour ramener à la Patrie une terre que nous n’avons jamais oubliée. »
Le souverain chérifien entend libérer le Sahara occidental de la présence espagnole, comme l’avait promis son père au lendemain de l’indépendance du Maroc. Le 26 septembre, il a informé les gouverneurs de son projet lors d’une réunion à huis clos. Près de 700 fonctionnaires sont ensuite mis dans le secret pour suivre une formation spéciale accélérée. Ils apprennent la raison de cet entraînement clandestin le 16 octobre à 18 h 30 lors du discours de Hassan II qui révèle au monde entier son plan pour la libération du Sahara occidental.

Quelques heures plus tôt, la Cour de justice de La Haye s’est prononcée sur les arguments présentés par Rabat. Le tribunal international confirme l’existence de liens unissant certaines tribus sahraouies au royaume marocain avant la conquête espagnole de 1884, mais affirme que le droit à l’autodétermination doit prévaloir. Couvrant la voix des juges, des centaines de véhicules roulent déjà pour acheminer vers les provinces du Sud les tonnes de matériel et de vivres nécessaires à l’opération. Trains, avions et navires participent au ballet logistique. Le 23 octobre, le premier convoi de marcheurs prend position à Tarfaya. Le 6 novembre au petit matin, la Marche verte, ou opération Fath est lancée : les 350 000 soldats de cette armée pacifique s’élancent dans le désert embarqués à bord de milliers de cars et de camions pour une démonstration qui durera jusqu’au milieu du mois. Des portraits du monarque marocain, qui a volontairement placé la Marche sous les couleurs de l’islam, et des milliers de corans sont brandis par la marée humaine qui croise en chemin les premières garnisons espagnoles évacuant la place.
Par les accords de Madrid signés le 14 novembre 1975 avec le Maroc et la Mauritanie, l’Espagne abandonne ses possessions sahariennes tout en prônant l’autodétermination du Sahara occidental.
Au début des années 1970, la découverte de l’important gisement de phosphate de Bou Craa avait fait entrevoir aux Espagnols l’intérêt d’un micro-État (70 000 habitants) aux destinées économiques faciles à contrôler. Un premier mouvement nationaliste et indépendantiste était né en 1967 avec la fondation du Front de libération du Sahara.

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La puissance coloniale entretient savamment ce nationalisme balbutiant. Le 20 mai 1973 est créé le Front populaire pour la libération de Saguiet el-Hamra et du Rio de Oro, plus connu sous le nom de Front Polisario. Il revendique l’indépendance d’un Sahara occidental dont Rabat et Nouakchott ont pris possession dès le retrait de l’Espagne, à la fin de 1975. En février 1976, le Front fonde la République arabe sahraouie démocratique (RASD) et déclenche la guerre contre le Maroc et la Mauritanie. Les succès militaires remportés par les Sahraouis grèvent le budget de Nouakchott. Le 5 août 1979, le Polisario et la Mauritanie signent un traité de paix par lequel cette dernière renonce à ses prétentions.
Côté marocain, c’est une tout autre affaire. De 1976 à 1990, le royaume investira 3 milliards de dollars pour développer et quadriller administrativement ses « provinces du Sud ». La reconnaissance de la RASD par l’Organisation de l’union africaine en 1984 ne freine ni la politique migratoire de Rabat, ni l’édification du « mur » bâti pour empêcher les incursions du Polisario. Trente ans après la Marche verte, toutes les tentatives de règlement, jusqu’aux plans élaborés pour le compte des Nations unies par l’ancien secrétaire d’État américain James Baker, se seront enlisées dans les immensités sahariennes.

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