Bush sur la corde raide

Publié le 31 octobre 2003 Lecture : 3 minutes.

« Mission accomplie », proclamait le président George W. Bush, le 1er mai, sur le porte-avions Abraham-Lincoln, devant un drapeau américain. Six mois après, rien n’est moins sûr. Tout se présente plutôt comme si Bush avait déjà perdu la paix. Le 28 octobre, le nombre de soldats américains tués en Irak depuis la fin de la guerre – 115 – a dépassé celui des militaires qui ont perdu la vie dans les combats – 114. S’y ajoutent 102 morts dus à des accidents ou à des suicides ; 24 seulement avaient péri de cette manière pendant la guerre elle-même. Total des pertes : 355.

Lors de la conférence de presse qu’il a tenue le 28 octobre, au lendemain de cinq attentats à la bombe qui ont fait 43 morts et 230 blessés à Bagdad (voir pp. 20-22) et de l’explosion d’une voiture piégée qui a tué au moins 10 personnes à Fallouja, Bush a déclaré : « L’Irak est un endroit dangereux… les terroristes veulent créer les conditions de la peur et du retrait, mais nous ne partirons pas. Notre stratégie est la bonne. L’Amérique garde le cap. » Mais comme on lui demandait s’il pouvait s’engager à ce qu’il y ait moins de soldats américains en Irak dans un an, il s’est écrié que c’était « une question piège » et qu’il n’y répondrait pas.
Un tout dernier sondage USA Today/CNN/Gallup confirme le revirement de l’opinion américaine. À la question : « Êtes-vous favorable ou hostile à la guerre en Irak ? », 72 % des réponses étaient favorables le 10 avril. Elles n’étaient plus que 54 % les 24-26 octobre. Les réponses hostiles sont passées de 22 % le 10 avril, à 43 % les 24-26 octobre.

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L’évolution est encore plus marquée sur l’immédiate après-guerre. À la question : « Approuvez-vous ou désapprouvez-vous la manière dont les États-Unis ont géré la situation en Irak depuis la fin des combats ? », 80 % des personnes interrogées donnaient une réponse positive les 22-23 avril, mais 47 % seulement les 24-26 octobre. En avril, 18 % des personnes interrogées désapprouvaient la conduite des opérations, elles étaient 50 % en octobre.

Le désenchantement de l’opinion va au-delà de la guerre en Irak et de la lourdeur de la facture humaine et financière. À la question : « Approuvez-vous la manière dont George W. Bush s’acquitte de sa fonction de président ? », les 80 % de réponses favorables recueillies les 8-9 mars n’étaient plus que 53 % les 24-26 octobre. En revanche, le nombre de réponses défavorables triplait, passant de 14 % à 42 %.
Il n’est pas étonnant que la réponse à la question que se posent désormais les commentateurs des deux côtés de l’Atlantique ait, elle aussi, évolué : si Bush se représente en 2004 à l’élection présidentielle, qui voterait pour lui ? Les 29 avril- 1er mai, 56 % des futurs votants étaient prêts à le reconduire à la Maison Blanche, 31 % soutenaient le candidat démocrate, 10 % étaient sans opinion. Les 24-26 octobre, Bush restait en tête, mais avec seulement 45 % d’intentions de vote, contre 42 % pour le candidat démocrate encore anonyme (aucun, pour l’instant, ne se détache).
Si ces chiffres sèment le doute dans la tête des faucons américains, qu’ils ne comptent pas sur les Européens pour les rassurer ! Le Financial Times du 28 octobre analyse un sondage Eurobarometer réalisé dans les quinze pays qui composent actuellement l’Union européenne juste après la conférence des donateurs de Madrid des 23-24 octobre. Constat : globalement, 68 % des personnes interrogées considèrent que l’intervention militaire des Américains en Irak n’était pas justifiée, et 29 % seulement que Bush a eu raison de foncer sur Bagdad. En outre, 58 % des personnes sondées estiment que la reconstruction de l’Irak devrait être confiée aux Nations unies, 18 % seulement que l’Amérique devrait en garder la responsabilité.

En Europe, les plus critiques sont les Grecs : ils sont 94 % à penser que la guerre n’était pas justifiée. Le seul pays où une majorité de la population y est favorable est le Danemark. Même en Grande-Bretagne et en Espagne, deux des plus fidèles alliés des États-Unis en Europe, les proguerre sont en minorité : 45 % en Grande-Bretagne, 15 % en Espagne. Soixante-cinq pour cent des Européens jugent que la reconstruction de l’Irak doit être financée par les États-Unis. Et 65 % sont opposés à l’idée d’y envoyer des troupes chargées du maintien de l’ordre.

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